Les Dépêches de Brazzaville



RDC-Rwanda : Washington relance la diplomatie de la paix par l’économie


La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont franchi une nouvelle étape dans la mise en œuvre de l'accord de paix signé en juin dernier à Washington, en paraphant le Cadre d’intégration économique régionale (REIF), présenté comme le socle d’une coopération renouvelée entre les deux voisins longtemps rivaux. La cérémonie s’est tenue lors de la quatrième réunion du Comité conjoint de supervision de l’accord, en présence de représentants des États-Unis, du Qatar, du Togo – médiateur mandaté par l’Union africaine – et de la Commission de l’Union africaine.

Selon un communiqué conjoint de Kigali et Kinshasa, le texte « définit les domaines clés pour renforcer la coopération et le développement économique, démontrant les avantages tangibles de la paix et créant des opportunités d’investissement profitant directement aux populations ».

Une diplomatie économique comme levier de paix

Le REIF s’inscrit dans la logique du rapprochement politique entamé en juin à Washington, après trois années de tensions nourries par la résurgence du mouvement rebelle M23/AFC, actif dans le Nord-Kivu. Ce cadre économique prévoit une série d’initiatives communes : infrastructures transfrontalières, zones de commerce régionales, projets agricoles et énergie partagée. Mais cette dynamique demeure conditionnée à l’application du Concept d’opérations (CONOPS) et de l’Ordre opérationnel (OPORD) figurant dans l’accord de paix. Ces mécanismes, encore en cours de validation, visent la neutralisation du groupe armé rwandais FDLR et le retrait progressif des troupes étrangères du territoire congolais. Le Comité conjoint a reconnu des « progrès insuffisants » sur le terrain, mais a convenu d’« actions urgentes » pour coordonner les opérations conjointes et maintenir le dialogue sous médiation qatarie.

Le Qatar et Washington en arbitres attentifs

Le processus de Doha, qui porte sur la consolidation du cessez-le-feu et la libération des prisonniers, reste au cœur de la médiation régionale. Pour les garants du processus, dont les États-Unis et le Qatar, la paix durable passe désormais par des dividendes économiques visibles. « L’intégration économique est le meilleur antidote à la méfiance », a confié à Jeune Afrique un diplomate africain présent à Washington. Les États-Unis, via la sous-secrétaire d’État Allison Hooker et le conseiller spécial Massad Boulos, ont joué un rôle central dans cette séquence. Washington cherche à stabiliser l’Est congolais sans confrontation directe avec Kigali, tout en soutenant une approche africaine appuyée par Doha et Lomé.

Un équilibre encore fragile

Les deux capitales se sont engagées à « maintenir l’élan du processus » et à éviter toute rhétorique hostile, y compris sur les forums internationaux. Mais sur le terrain, les combats sporadiques autour de Goma rappellent que la paix reste précaire. Entre ambitions économiques, pressions militaires et rivalités d’influence, la paix entre Kinshasa et Kigali demeure plus un processus qu’un acquis.
 


Noël Ndong