Les Dépêches de Brazzaville



Récolte artisanale du miel au Congo : impact sur les abeilles et l’environnement


À Izato dans le district de Dongou, près de 2000 km de route de Brazzaville, deux hommes se plaignent de la saison qui a été moins fructueuse « Quand nous trouvons une ruche, si l’arbre est difficile à grimper, nous le coupons. Pour nous débarrasser des abeilles, nous mettons le feu », a avoué Gaby, un récolteur de miel à Izato. « Des milliers d’abeilles périssent dans les braises », a ajouté Saddam son voisin.

A l’ombre d’un avocatier, Gaby confie qu’il extrait 350 kg de miel par mois lorsque la saison est bonne. Mais, cette fois, il n’a même pas récolté la moitié. Pourtant, il refuse de croire que cette baisse résulte de leurs mauvaises pratiques et pensent dur comme fer que les abeilles ne peuvent pas disparaître. « Lorsqu’on coupe un arbre comme celui là-bas, les abeilles migrent ailleurs mais ne peuvent pas disparaître », a soutenu Gaby.

Louis Ndzéka vient de Dongou avec deux récolteurs, Ebéba et Ndzéndo. La veille, il a repéré trois ruches, qui vont lui permettre d’extraire le miel. Mais avant une rituelle s’impose, il doit arroser le pied d’un gros arbre d’un litre d’alcool « lotoko » ou vin de palme. Chose faite, il poursuit sa trajectoire. Sur son chemin, des troncs d’arbres coupent la voie le long du chemin. « Ce sont ceux coupés pendant la récolte passée », a informé Louis. Après deux heures de marche, Louis et son équipe arrivent au niveau de l’arbre qui semble abriter le miel. Il reconnaît que celui-ci devient difficile à trouver. « Avant, on le récoltait derrière nos cases, les colonies se sont éloignées à cause des récolteurs qui coupent les arbres », s'est plaint Louis.

Moderniser le secteur du miel au Congo

Pour préserver ces insectes, des initiatives qui vont de la sensibilisation à la promotion de l’apiculture se multiplient. Le directeur départemental de l’Economie forestière de la Likouala (DDEF), Albert Itoumba, et son équipe mènent de campagnes de sensibilisation dans les campements. Selon lui, cette activité est difficile à contrôler, car les récolteurs ne sont pas organisés et il est difficile de savoir combien exercent dans la Likouala. A cet effet, le produit qui sort des campements échappe à ses services. Une faible quantité de quatre tonnes seulement est enregistrée par an. D’où, le DDEF plaide la modernisation du secteur du miel au Congo afin de préserver les abeilles.

Par ailleurs, le fonctionnaire pointe du doigt l’exploitation forestière, qui est également un des causes de la disparition des abeilles et de la déforestation. Au Centre de valorisation des produits forestiers non ligneux (CVPFL), la sensibilisation est couplée à la formation des communautés à l’activité apicole. Depuis 2016, grâce à un appui financier de près de 400 millions de francs CFA accordés par la Banque mondiale, le CVPFL a formé huit mille personnes à l’apiculture dans les départements du Kouilou, Niari, Pool, de la Cuvette, la Sangha et la Likouala. Le Congo compte à présent dix mille ruches. « Nous commençons de zéro, lorsque vous allez dans la base de données de la FAO, aucune sur la production du miel au Congo n’est disponible. Avec 10000 ruches, c’est un bon début de l’apiculture », s'est réjoui Thédy Francis Adoua Ndinga, chef du CVPFL. « Lorsqu’ils déciment une colonie, ils perdent le miel de demain mais lorsqu’ils adoptent une technique de domestication, ils élèvent les abeilles qui vont leur donner du miel chaque saison », a-t-il conclu.


Blanche Simona, Rainforest journalist Fund et Pulitzer Center

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Deux récolteurs dégustant du miel Photo 2: Un des processus de récolte du miel