Les Dépêches de Brazzaville



Rencontre littéraire : l’initiation en débat à la Librairie-Galerie du Congo


Pour Christiane Falgayrettes-Leveau, « le musée n’est pas un lieu figé mais ouvert ; un lieu d’échanges et de rencontres » où 150 objets sont actuellement exposés en lien avec l’initiation dans le Bassin du Congo. Plusieurs types d’initiations aussi bien des enfants que des adultes y ont été associés. Henri Lopes a déclaré : « L’Afrique est un jardin composé de différentes couleurs, de différents senteurs, de différentes cultures et coutumes. » Cela correspondrait à une diversité d’initiations dans la région dont la symbolique se traduit à travers des masques en bois intervenant à la fois au début, en cours et à la fin de l’initiation, s’accompagnant toujours de la musique. Une des pièces de l’exposition que la directrice du musée Dapper a tenu à présenter est un disque placé sur la bouche de l’initié le préparant ainsi au silence. Ainsi, « lorsque vous interrogez des initiés, ils vous disent qu’ils n’ont pas le droit de vous en parler », a expliqué Henri Lopes se réduisant ainsi au secret de l’initiation. L’écrivain-diplomate faisant toutefois observer que dans la période actuelle, certains ont encore recours à l’initiation pour renforcer leur pouvoir politique. Chez les « Mwené » en effet, l’initiation permet d’accéder au pouvoir politique. Cependant, malgré les interdictions antiques de multiplier les initiations dans différents ordres, l’initié moderne pratique souvent le syncrétisme et reçoit une double, voire une triple initiation à la fois franc-maçonnique, chrétienne et animiste. Ce phénomène peut être facilité par des parallèles entre ces initiations et les intervenants ont pointé les ressemblances entre l’initiation « Lemba » et l’initiation franc-maçonnique.

À travers l’exposé d’Isaac Djoumali Sengha, puisé de son roman Ingratitude du Caïman (L’Harmattan, 2012), il est question de l’initiation au mariage d’une jeune fille prénommée Marguerite chez les Pygmées « Baka ». Elle est donc emmenée chez les « Nganga-kindoki », des féticheuses, pour subir deux mois d’épreuves d’initiation consistant « à faire découvrir à la jeune femme son corps et à l’entretenir avant de découvrir le sexe masculin ». L’autre initiation concerne la préparation à la grossesse, à l’accouchement et à la période post-natale pour montrer le caractère sacré du mariage et de l’accouchement. En fait, il s’agit d’assurer le passage d’une classe à une autre, celle de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’adulte. Le guérisseur joue un double rôle, de thérapeute et de bienfaisant, précédant la médecine. L’initiation concourt à cet effet à trois aspects : social, médical et thérapeutique sans exception du genre.

L’écrivain Calixte Beyala, présente dans l’assistance, a tenu à préciser que l’initiation féminine en Afrique ne se limitait pas à préparer la femme à assurer un rôle domestique. C’est ainsi que les femmes se font également initier parfois pour briguer des postes de responsabilité, créant leur propre société secrète. Cette intégration permet une identification et une insertion dans une classe sociale.

Cette exposition, s’inscrivant dans une rencontre particulière, est une manifestation de la volonté des musées occidentaux à faire rayonner le Bassin du Congo à travers les initiations de ses peuples ; malgré son côté « occulte » pour le grand public. Les objets exposés resteront les seuls vecteurs pour permettre à chacun de faire sa propre lecture d’une initiation, étant donné qu’un initié ne dévoilera jamais son secret initiatique.

La prochaine rencontre littéraire se déroulera le 22 octobre 2013. La Librairie-Galerie du Congo accueillera l’équipe de « Palabres autour des Arts » et la romancière Léonora Miano qui présentera son dernier ouvrage, La Saison de l’ombre.

Musée Dapper
35 bis, rue Paul Valéry
75016 Paris
« Initiés, Bassin du Congo »
du 9 octobre 2013 au 6 juillet 2014
(tous les jours sauf le mardi et le jeudi, de 11h à 19h).


Richard Ballet