Les Dépêches de Brazzaville



Royaume-Uni : la mort de la reine Elizabeth II et l’avenir du Commonwealth


« La reine conférait toujours du sens à l’existence du Commonwealth. Après sa mort, on ne comprend plus quels avantages tirent les membres de leur participation » au Commonwealth qui  « a arrêté d’accorder une aide », a rapporté le quotidien, attribuant ces propos dans un milieu gouvernemental d’un pays africain. Quatorze Etats membres de l’organisation constatent un renforcement des tendances républicaines suite à  une baisse générale du potentiel du Royaume-Uni d’exercer une influence dans le monde, a poursuivi "Financial Times".  L’Île de la Barbade s’est retirée de l’organisation en 2021, alors que le Rwanda, la Jamaïque et plusieurs Etats du bassin caraïbéen examinent, à leur tour, la possibilité de se retirer. Pour mettre fin à ces retraits précipités, le quotidien britannique invite le roi Charles III à participer plus activement aux activités de l’organisation pour la rendre plus attractive, estimant faire du Commonwealth le porte-parole des intérêts de ses membres, surtout des petits pays (les Fidji, le Lesotho), sur la scène internationale.

Qu’est-ce que le Commonwealth ?

Ce sont des pays ayant en commun l’usage de l’anglais, les us et coutumes british et la nostalgie de l’empire. Le Commonwealth est une organisation politique créée en 1949 pour accompagner la décolonisation et la fin de l’empire britannique. Il regroupe cinquante-six Etats, essentiellement d’anciens membres de l’empire britannique. Les États membres ont signé une charte qui défend plusieurs grands principes comme la démocratie, les droits de l’Homme ou la liberté d’expression. Les chefs de gouvernement des États membres se réunissent tous les deux ans. Le dernier rendez-vous a eu lieu en juin 2022 au Rwanda. Par ailleurs, tous les quatre ans, les meilleurs sportifs des pays de l’organisation s’affrontent lors des Jeux du Commonwealth. La dernière édition s’est déroulée cet été à Birmingham (Royaume-Uni). Tous les États membres sont considérés comme des partenaires libres et égaux, coopérant librement dans le même but de paix, de liberté et de progrès. Ils concentrent actuellement plus de 2,5 milliards d’individus, soit un tiers de la population mondiale. Le nombre de membres du Commonwealth n’est pas figé. Le Rwanda a rejoint l’organisation en 2009, tandis que le Togo vient d’y entrer cette année.

Tout au long de son règne, Elisabeth II a effectué 170 visites parmi les États qui composent le Commonwealth, à l’exception des membres récents que sont le Gabon, le Cameroun, le Rwanda et le Togo. L’œuvre de la vie de la reine Elisabeth II était la consolidation et la perpétuation du Commonwealth, un instrument d’influence pour le Royaume-Uni. Soucieuse de maintenir sa cohésion, la reine avait réussi à nouer  d’étroites relations avec les chefs d’État des pays membres, notamment africains. À l’occasion, elle contribua à apaiser les tensions suscitées par ses Premiers ministres, au risque de voir certains pays africains claquer la porte de l’organisation. « Sans le leadership de la reine et son exemple, beaucoup d’entre nous seraient partis »,  déclarait Kenneth Kaunda, le premier président de la Zambie.

Quel avenir pour le Commonwealth après Elisabeth II ?

Comme toute construction humaine, l’organisation est sujette à l’usure du temps. La reine Elisabeth II fut par la force des choses amenée à déléguer sa mission à son fils, le prince Charles et son petit-fils William. Symbole de l’avenir incertain du Commonwealth, le prince William et son épouse Kate ont récemment effectué une tournée dans les Caraïbes qui ont été émaillés de plusieurs manifestations contre l’héritage colonial de l’Empire britannique. En Australie, de nombreuses voix s’élèvent pour quitter de la monarchie. Le débat a également lieu au Canada, en Nouvelle-Zélande ou en Jamaïque. Lors du dernier sommet de juin 2022, le prince Charles, qui représentait alors la reine, avait abordé la question en ces termes : « Le Commonwealth compte en son sein des pays qui ont eu des liens constitutionnels avec ma famille, certains qui continuent d’en avoir et de plus en plus qui n’en ont pas. Je tiens à dire clairement, comme je l’ai déjà dit, que le régime constitutionnel de chaque membre, en tant que république ou monarchie, relève uniquement de la décision de chaque État membre ».

Si le Commonwealth a perdu une bonne partie de son rôle politique, il reste central dans les relations diplomatiques et économiques entre les États membres, et conserve une influence culturelle forte à travers le monde. Selon certains spécialistes, le nouveau roi, Charles III, « n’a pas la foi » ni le même rapport à la nécessité du Commonwealth pour le Royaume-Uni. Dans ce siècle qui voit la fin définitive des empires et d’une nouvelle gouvernance mondiale, l’avenir du Royaume-Uni est incertain surtout après le Brexit, les velléités d’indépendance de l’Écosse, le dossier latent des deux Irlande, qui font craindre une dislocation du Commonwealth. En Afrique du Sud, les appels se multiplient depuis la mort de la reine, pour réclamer la restitution du plus grand diamant  blanc du monde, la « Grande étoile d’Afrique », un « cadeau illégitime » offert à la famille royale par les autorités coloniales sud-africaines au début du 20e siècle, désormais porté par le roi Charles III.  « En cette époque d’incertitudes, cette époque traversée par un sentiment trouble de déclin, elle [la reine] était un repère, une certitude », écrit le journal De Morgen, poussant à s’interroger depuis l’installation  au trône du nouveau roi Charles III sur l’avenir du Royaume-Uni et du club. Le roi Charles III a toujours exprimé un vif intérêt pour la question de l’environnement et la jeunesse. 


Noël Ndong