Les Dépêches de Brazzaville



Santé : La Fondation Brazzaville relance le débat sur les faux médicaments


Un peu plus d’un an après la signature de l’initiative de Lomé par sept chefs d’Etat engagés à lutter contre les médicaments falsifiés et de qualité inférieure (MFQI), où en est le continent dans sa politique de lutte contre ce trafic ? Vaste sujet sur lequel experts, médecins et politiques ont apporté leurs éclairages.

On le sait, il y a urgence. Chaque année, les faux médicaments provoquent des centaines de milliers de décès en Afrique subsaharienne, dont  122 000 enfants de moins de cinq ans à cause d’antipaludiques de mauvaise qualité. « L’Afrique concentre 42 % du trafic mondial et les pays à faibles revenus perdent des milliards de dollars en achetant ces produits», a rappelé Adam Aspinall (Medsformalaria). Et encore, l’on n’a pas quantifié les conséquences de l’impact de la pandémie Covid-19 sur les systèmes médicaux dans la région. En particulier sur les chaînes d’approvisionnement qui ont été très perturbées. 

Santé publique et sécurité

Alors comment lutter contre ces médicaments falsifiés et très souvent difficiles à identifier comme tels ? Un fléau qui pose de graves problèmes de santé publique et de sécurité.

Différentes solutions possibles ont été rappelées par les intervenants à commencer par la mise en route effective de l’Agence africaine du médicament (AMA) qui peine à être ratifiée par les 54 pays du continent bien que son traité ait été adopté en février 2019.  Pour Moustapha Mijiyawa, ministre de la Santé du Togo, une harmonisation des autorisations de mise d’un médicament sur le marché devrait être à minima régionale. Pour lui, une coordination régionale et continentale est nécessaire ; c’est ici que l’Agence AMA prendrait tout son sens.

L’amélioration du réseau de distribution encore fragile dans de nombreux pays est aussi à consolider. Les problèmes de logistique dans la chaîne d’approvisionnement des pharmacies locales et l’absence de données fiables créent des failles, a rappelé Gregory Rockson directeur général de mPharma. Etablir des liens avec ces points de vente permettrait de vérifier, entre autres, que les produits vendus sont agréés.

La mise en place d’instruments de contrôle est l’une des clés, y compris dans la vente en ligne de plus en plus utilisée. C’est ce que défend l’ONUCD pour qui l’approche doit porter à la fois sur la prévention, la détection et la répression.

Le Niger très impliqué sur ce sujet a entrepris, en coordination avec les organismes internationaux,  de mettre en place un cadre à tous les niveaux de la distribution des médicaments y compris aux postes frontaliers, a expliqué le ministre de la Santé publique du Niger, Idi Illiassou Mainassara. De fait, le trafic de faux médicaments finance maintenant le terrorisme. Il rapporterait 200 milliards de dollars par an… « La criminalité transnationale et le terrorisme représentent une grave menace pour les pays africains », alerte-t-il.

D’où l’importance d’harmoniser les législations entre Etats, a insisté l’ancien juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière. Cette coordination des Etats mais aussi des partenaires (institutions internationales, ONG, etc.) est essentielle pour avancer. Chantal Lacroix de l’ONUDC est revenu à ce sujet sur la nécessaire coordination des Etats notamment en matière de contrôle policier et de répression.

En Afrique de l’Ouest, 2/3 des Etats ont établi des liens de collaboration juridique, a rappelé Stanislav Kniazkov de l’OMS Afrique mais les mesures de répression ne suivent pas toujours. Il faudrait également mettre en place des politiques de destruction des produits contrefaits souvent réintroduits dans les circuits peu après leur saisie. Sans compter l’importance de l’information locale pour sensibiliser les populations et dénoncer les trafiquants. Plus que jamais, c’est d’une action concertée et multisectorielle que viendra la réponse à ce fléau.


Bénédicte de Capèle