Les Dépêches de Brazzaville



Sergio Mattarella élu président de la République italienne


La nouvelle n’a pas été une surprise pour l’opinion en Italie même si leur nouveau président était jusqu’ici peu connu et peu exposé aux médias. Mais dans une stratégie politique faite de finesse à petites doses le président du Conseil, Matteo Renzi, a fini par infuser mercredi dernier qu’il avait choisi de porter son choix sur M. Mattarella au Quirinal, le palais présidentiel à Rome. Dès lors, les chances de l’homme étaient plus que sûres car Matteo Renzi, premier ministre et secrétaire du plus grand parti d’Italie, le Parti démocratique, n’a eu de cesse de jouer de l’une et l’autre casquettes.

D’abord dans ses propres rangs. Au sein du PD, il ne manquait pas de sujets de bougonner au cours de ces dernières semaines. Son choix de réaliser des réformes en s’appuyant sur ses principaux obstacles, Silvio Berlusconi et la droite devenus ses alliés de fait, a causé un malaise à la base du parti et à ses caciques. À droite aussi, une situation où il fallait applaudir au travail de son principal adversaire politique donnait des boutons. C’est pourquoi, jusqu’à la dernière minute, le Premier ministre a cajolé, parlementé, menacé : un coup à gauche, un coup à droite.

Au final, il a évité la dégradante surprise qui a accueilli la candidature de l’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, lorsqu’il y a un peu plus de deux ans, il a été mis en échec par ses propres camarades de parti alors que tout l’indiquait vainqueur à la présidentielle. Dans un vote s’exerçant à bulletins secrets, il y avait tout à craindre des « francs-tireurs » comme on a appelé les députés et sénateurs qui, dans le secret de l’isoloir, ont passé outre les consignes du parti sans en donner l’air !

Matteo Renzi a su éviter cet écueil à Sergio Mattarella. L’homme a été élu samedi en obtenant  plus de 505 votes de « grands électeurs » nécessaires pour devenir président de la République italienne. Au final, ce sont 665 « grands électeurs », soit largement au-dessus de la moyenne des voix requises, qui l’ont choisi. En Italie, c’est l’assemblée des « grands électeurs », députés, sénateurs et 58 représentants de régions qui élisent le président de la République. Une majorité des deux tiers des 1.009 « grands électeurs » est requise lors des trois premiers tours, puis la majorité simple à partir du 4ème tour. C’est ce dernier tour qui a permis à M. Mattarella de devenir président de la République samedi.

Un président-arbitre

Elu pour sept ans, le président de la République en Italie a essentiellement des pouvoirs honorifiques. Mais il joue un rôle très important d'arbitre en cas de crise politique, ce qui a souvent été le cas ces dernières années. Giorgio Napolitano, qui aura 90 ans cette année, a su redorer le blason de cette fonction devenue, du coup, hautement stratégique surtout dans le contexte où le premier ministre Matteo Renzi, de gauche, devait amener vers lui le cacique et leader de droite Silvio Berlusconi pour une mission salvatrice pour la patrie. Il a fallu constamment arbitrer et appeler à se concentrer sur l’essentiel de cette classe politique tirant à hue et à dia.

Dès la nouvelle connue de son élection, M. Mattarella a vu affluer vers l’appartement romain de sa fille où il suivait le vote à la télévision, un flot de messages de félicitations. Si Matteo Renzi a tout de suite twitté « Bon travail, président Mattarella ! Vive l'Italie ! », des messages plus classiques lui sont aussi parvenus. Par exemple celui du pape François, qui a dit  de prier pour la bonne marche du pouvoir italien avec M. Mattarella comme président « éclairé par les valeurs spirituelles et humaines authentiques du peuple italien ».

L’élection de ce nouveau président apporte un grand soulagement dans la classe politique italienne qui se crispait devant l’incertitude. Même si des voix critiques se sont élevées, telle celle du comique Beppe Grillo à la tête du mouvement populiste « Cinq étoiles », tout le monde se dit satisfait. À l’exception notable peut-être de Silvio Berlusconi, les grands leaders ont bien accueilli de voir ce Sicilien catholique de 73 ans à la présidence de la République. M. Mattarella est entré en politique après l'assassinat par la mafia de son frère président de la région de Sicile en 1980. Il est passé à gauche dans les années 1990 parce qu'il trouvait que sa famille politique commençait à accorder trop de largesses politiques et économiques à Silvio Berlusconi, aujourd’hui homme le plus riche d’Italie.

Son mandat sera donc marqué aussi par l’attention que les observateurs accorderont aux rapports qu’il entretiendra avec celui-ci, sa bête noire. Plus généralement, il s’agit de voir si le Premier ministre Renzi et Berlusconi continueront de s’entendre pour mener à bien, gauche et droite ensemble, des réformes qui commencent à donner des résultats. Les commentateurs soulignaient l’inextricable de cette situation qui place Silvio Berlusconi sous l’étouffoir d’où il peine à donner des mots d’ordre même à ses troupes. Symbole de cette lente déchéance, Silvio Berlusconi était à Milan au moment du vote. Une décision de justice lui fait obligation de rester dans sa région tous les week-ends et ne pas venir à Rome, un comble alors que certaines voix de son propre parti portaient au pouvoir à l’assemblée son « ennemi » politique.


Lucien Mpama