Témoignage. Pr André Mbata : « Etienne Tshisekedi aura été un martyr de la démocratie et de l’Etat de droit ».

Témoignage vivant et chargé de significations que celui que le Pr André Mbata a fait d’Etienne Tshisekedi, relayé par plusieurs médias en ligne en raison de sa pertinence. Ce brillant scientifique congolais lève, dans son récit, un pan de la personnalité de l’illustre disparu méconnu du grand public. Il évoque sa rencontre avec cette icône de l’opposition congolaise, un certain 28 juillet 2011, à Sunnyside Park Hotel de Johannesburg, où il était logé à son arrivée en Afrique du Sud, le 24 juillet. C’était à la veille d’un voyage qu’il devait effectuer à Lubumbashi dans le cadre de la campagne électorale de la présidentielle de 2011.

Au-delà de l’échange qu’ont eu les deux hommes, essentiellement articulé autour de la problématique de l’Etat de droit, ce fut un moment d’intense émotion pour l’enseignant qui le décrit en ces termes : « Pour la première fois de ma vie, je me trouvais devant un homme qui avait donné des migraines et des cauchemars à presque tous les présidents que la RDC avait connus jusque-là, de Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila en passant par Laurent-Désiré Kabila ».

Une communion avec le peuple

Du « lider maximo », André Mbata a eu des mots expressifs pour décrire l’homme pour qui il reste admiratif au regard de son combat politique. « Etienne Tshisekedi était pour les Congolais ce que Nelson Mandela fut pour les Sud-Africains. Il nous avait appris à vaincre la peur de la mort et la mort elle-même pour défendre les intérêts du peuple. Etienne Tshisekedi incarnait les valeurs qui sont les nôtres et pour lesquelles des personnes comme Nelson Mandela étaient préparées à mourir s’il le fallait. Il représentait la résistance d’une nation menacée d’inanition et en péril », a-t-il dit, ajoutant qu' il abhorrait la dictature qu’il considérait comme devant être « déboulonnée » à tout prix, mais dans la non-violence.

Tout en reconnaissant qu’il avait, de son vivant, commis des erreurs comme tout être humain faillible, André Mbata salue néanmoins la capacité qu’avait le vieil opposant à toujours se relever à chaque fois qu’il tombait dans l’abîme de ses propres déviations. « Il pouvait bien commettre des erreurs - il en avait commis plusieurs -, mais le peuple était toujours prêt à lui accorder son pardon ou à le comprendre tandis que lui-même se relevait », a-t-il fait savoir.

Le professeur trouve, en outre, amplement justifié le statut de héros national que la nation s’apprête à gratifier Etienne Tshisekedi. Un statut qui, selon lui, ne saurait se discuter à cause du combat qu’il a mené pour la démocratie et l’Etat de droit dans le pays. Il s’en explique : « Il était déjà reconnu tel de son vivant. Sa reconnaissance comme héros aura donc précédé toute proclamation officielle. Elle est d’autant plus indiscutable qu’elle émane du peuple souverain qui va le confirmer à travers les hommages qui lui seront rendus tout au long de la semaine ».

Et de poursuivre : « Il est l’homme politique congolais qui aura exercé l’influence la plus décisive sur ses contemporains au cours du premier cinquantenaire de l’indépendance du pays et dont le combat inspirera plusieurs générations à venir. Il est l’une de plus grandes figures du XX^e et du début du XXI ^e esiècle au Congo. Il reste une icône, un héros, une légende et son nom sera à jamais associé à la lutte contre la dictature dans notre pays. Il aura battu tous les records en termes d’interpellations, d’arrestations, de relégations et de procès. Personne n’a fait plus que lui dans notre génération pour faire avancer les valeurs de l’Etat de droit et de la démocratie ».

La morale politique      

Que retenir finalement d’Etienne Tshisekedi, le premier docteur en droit et premier constitutionnaliste de son pays, en matière de valeurs léguées à la postérité ? A ce sujet, le Pr André Mbata ne manque pas à dire. Pour lui, Etienne Tshisekedi restera un modèle de courage et d’intégrité pour tous ceux qui luttent pour la démocratie en Afrique et dans le reste du monde. Il met l’accent sur la sobriété ayant caractérisé sa vie, une façon de faire comprendre à la nouvelle génération qu’on n’entre pas en politique pour se faire de l’argent sur le dos de son peuple, mais plutôt pour le servir. Son slogan « Le peuple d’abord » constitue, d’après André Mbata, l’héritage spirituel et politique qu’Etienne Tshisekedi aura laissé à la postérité.

Immortel à l’instar de Patrice Emery Lumumba et de Laurent-Désiré Kabila, il est devenu, à en croire le professeur, « un puissant esprit qui continuera de veiller sur son peuple et le reste de l’humanité qu’il ne manquera pas de soutenir dans le combat pour la démocratie, l’Etat de droit et la justice ».