Tournée africaine : Emmanuel Macron face au nouveau jeu d’influence du continentCette mission s’inscrit dans le récit d’une « nouvelle relation » avec l’Afrique, débarrassée de la logique de la Françafrique, mais confrontée à un environnement géopolitique plus fragmenté et plus compétitif que jamais. France–Afrique : un contexte à la fois brûlant et mouvant Depuis 2017, Paris cherche à remodeler son approche africaine : coopération sécuritaire plus équilibrée, partenariats économiques diversifiés, politique mémorielle, réduction de la présence militaire directe, transfert de capacités aux armées locales. Mais la réalité rattrape la stratégie : ruptures politiques au Sahel, concurrence féroce dans les infrastructures, montée de l’influence russe via Wagner puis Africa Corps, multiplication des crises de gouvernance et défiance des opinions publiques. Dans ce contexte, la tournée d'Emmanuel Macron vise moins à rayonner qu’à stabiliser le réseau d’alliances, sécuriser les intérêts français et inscrire la France dans le grand basculement multipolaire du continent. Maurice : sécurité maritime et diplomatie de proximité (20–21 novembre) Première halte symbolique : l’île Maurice, où aucun président français ne s’était rendu depuis 1993. Une visite centrée sur la projection stratégique dans l’océan Indien, zone devenue un carrefour de trafics, de rivalités navales et de tensions migratoires. Le président français assistera à un exercice conjoint FAZSOI–garde-côtes mauriciens, renforcera les dispositifs de surveillance maritime et réaffirmera le lien de voisinage entre Maurice, La Réunion et Mayotte. Objectif : ancrer la France comme puissance indo-pacifique crédible, face aux ambitions croissantes de la Chine dans la zone. Afrique du Sud : G20, économie et diplomatie globale (22–23 novembre) Point d’orgue de la tournée : le G20 de Johannesburg, premier organisé en Afrique, marqué par l’absence des États-Unis, révélatrice des fractures géopolitiques actuelles. Emmanuel Macron y défendra la réforme de la gouvernance financière mondiale, la lutte contre le surendettement africain et les investissements verts. Il rencontrera son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, lancera un conseil d’affaires franco-sud-africain, et se recueillera au Freedom Park. En marge, il pourrait croiser l'Algérien Abdelmadjid Tebboune, signe possible d’un dégel franco-algérien après des mois de tensions. Gabon : stabilisation politique et diplomatie environnementale (23–24 novembre) Au Gabon, sorti de 19 mois de transition après le coup d’État contre Ali Bongo, le président français devrait saluer la fin de la transition menée par le président gabonais Brice Oligui Nguema. Paris veut rouvrir un espace de coopération économique pour des groupes comme Eramet et Suez, et poser les jalons d’une « diplomatie du vivant » via la création d’une école nationale dédiée à la sécurité environnementale, axe clé du bassin du Congo, deuxième poumon écologique mondial. Angola : Europe–Afrique et bataille des infrastructures (24 novembre) À Luanda, le sommet UE–UA conclura la tournée autour du programme Global Gateway, réponse européenne aux « Nouvelles routes de la soie ». L’enjeu : financer 150 milliards d’euros d’infrastructures africaines compétitives, sécurisées et politiquement stables. Pour la France, l’objectif est clair : maintenir un rôle moteur dans l’ingénierie, l’énergie, l’agriculture et les chaînes de valeur critiques. Une tournée pour rester dans le jeu Cette tournée africaine n’est pas un simple déplacement : c’est un acte de résistance stratégique. Pour Paris, rester un acteur majeur en Afrique suppose désormais une diplomatie plus agile, plus multilatérale, plus économique et politiquement plus modeste. Le continent change, vite. La France tente de ne pas être reléguée au second plan. Noël Ndong |