Les Dépêches de Brazzaville



Vatican : l'Afrique, nouveau terreau des fondamentalismes


Des milieux catholiques officieux s’inquiètent de la montée en puissance d’un danger qui était jusqu’ici supputé mais dont les contours se précisent chaque jour davantage : l’affirmation d’un djihadisme de matrice purement africaine. Les attaques répétées contre les chrétiens et les implantations chrétiennes se multiplient. En Égypte, les protestations contre la déchéance par les militaires du président islamiste Mohamed Morsi ont pris principalement les chrétiens pour cibles. Une cinquantaine de leurs lieux de culte ont été incendiés ou saccagés à travers le pays, une furie qui ne peut s’expliquer tant les chrétiens ont toujours été tenus en marge de la vie publique égyptienne.

Mais l’Égypte n’est que le dernier pays en date où les communautés chrétiennes disent se sentir en danger. La Somalie avec les Shebabs, ces milices islamistes ; le Mali avec les divers courants d’un islamisme surgi au travers de revendications autonomistes ; le Nigéria où la secte islamiste Boko Haram se signale chaque semaine par un nombre impressionnant d’assassinats et de destructions dont pâtissent les chrétiens ; la Libye où la disparition du colonel Mouammar Kadhafi ne semble pas s’être traduite par un apaisement qui signifierait tolérance entre ethnies et entre religions sont autant de pays où l’islam semble avoir décidé de jouer la carte jusqu’au-boutiste ne laissant aucun espace de coexistence pacifique avec les autres croyants et même, parfois, avec d’autres valeurs que celles issues de la loi islamique.

La Tunisie, où deux opposants notoires à l’islam radical viennent d’être assassinés, est aussi une illustration de cette tendance. Surtout, la forte répression à laquelle sont soumis les courants musulmans radicaux au Nigéria, en Égypte ou en Somalie semblent redoubler leur détermination à revendiquer dans le sang ce qui ne l’était jusqu’ici que du bout des lèvres. C’est à l’instauration du plein exercice de la charia, la loi islamique, que semblent désormais œuvrer ces courants ; à l’établissement de khalifats et, surtout, à la jonction avec d’autres mouvements radicaux du monde dont les modes de fonctionnement, les revendications fondamentales, semblaient jusque-là avoir peu en commun avec la réalité africaine.

La naissance, la semaine dernière, du mouvement dit des Mourabitoun, est indicatrice de cette volonté d’accélérer l’histoire et de hâter les échéances. Il s’agit d’un mouvement né de la fusion de la brigade islamiste de l’Algérien Mokhtar ben Mokhtar avec le Moujao malien, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest. Tous deux, chassés du Nord-Mali, veulent mener ensemble la guerre sainte. Or le terrain des confluences frontalières entre l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Mauritanie était déjà le fief reconnu d’Aqmi, Al Qaida au Maghreb islamique, auteur de nombreux enlèvements et assassinats d’occidentaux en particulier.

Bon nombre d’observateurs soutiennent que l’extrémisme sur des fondements religieux dans ces pays mais aussi en Tanzanie et au Kenya où déjà des prêtres catholiques ont été assassinés, ira en se renforçant. Le Vatican, qui n’a cessé ces dernières semaines d’appeler les musulmans au dialogue et au respect réciproque, s’inquiète d’une telle perspective. Une frange modérée et intellectuelle de l’Islam, telle la grande université Al Azhar du Caire, répond qu’il faut désormais, après des rapports assez difficiles du Vatican avec les musulmans sous le pape Benoît XVI, aller vers des rapports apaisés. Mais, comme souvent, il y a loin de la coupe aux  lèvres. Et surtout, ceux qui proclament la paix ne sont pas toujours ceux qui tiennent les barricades sur les places où se dilue peu à peu le fameux printemps arabe.


Lucien Mpama