Les Dépêches de Brazzaville



Washington sous tension : un accord de paix annoncé entre la RDC et le Rwanda, mais le terrain reste en feu


Les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame sont attendus jeudi 4 décembre à la Maison-Blanche où ils seront reçus par le président américain Donald Trump pour signer le document négocié depuis juin. La porte-parole de l’exécutif américain, Karoline Leavitt, parle d’une « étape majeure » d’un processus diplomatique lancé il y a près de deux ans. L’événement doit également entériner le cadre d’intégration économique adopté début novembre en présence de dirigeants régionaux tels que le Burundais Évariste Ndayishimiye et le Kényan William Ruto. Washington cherche à stabiliser une région stratégique pour les chaînes d’approvisionnement occidentales en cobalt, cuivre, lithium, tantale et or. Les États-Unis se disent prêts à soutenir des investissements de plusieurs milliards de dollars si les engagements sont respectés.

Des divergences profondes masquées par le calendrier diplomatique

Malgré l’emballage diplomatique américain, les obstacles restent considérables. Aucun progrès tangible n’a été observé sur le désarmement des FDLR — rebelles hutus rwandais présents en RDC depuis 1994 —, ni sur le retrait des forces rwandaises que Kinshasa accuse de soutenir activement l’AFC/M23. À Kigali, Paul Kagame affirme que « les blocages ne viennent pas du Rwanda » et accuse Kinshasa d’avoir renié des points validés lors des discussions de l’été. Kigali reproche également au président Tshisekedi d’ajouter « des conditions nouvelles » et d’adopter une posture fluctuante. Kinshasa rejette fermement cette lecture. Vendredi en Serbie, Félix Tshisekedi a réaffirmé son attachement au « respect de la souveraineté nationale » et au « rétablissement de la confiance ». Sa porte-parole Tina Salama a confirmé sa participation à Washington tout en rappelant que la signature n’a de sens que si le Rwanda retire ses troupes.

Sur le terrain : statu quo militaire, incertitude politique

Alors que la diplomatie s’active, le terrain reste verrouillé. Le M23 contrôle toujours Goma, Bukavu et plusieurs axes stratégiques du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Kigali continue de nier tout soutien au mouvement, malgré un rapport de l’ONU publié en juillet évoquant un « commandement et contrôle » rwandais sur la rébellion. La médiation parallèle menée au Qatar n’a apporté que des résultats fragiles. Sur les huit axes convenus mi-novembre entre Kinshasa et le M23, seuls deux ont été partiellement mis en œuvre. Les points les plus sensibles - libération de prisonniers, mécanismes de surveillance du cessez-le-feu, accès humanitaire, justice transitionnelle, restauration de l’autorité de l’État - restent au point mort.

Un accord sous haute tension

L’accord de Washington est présenté comme un tournant. Mais sans évolution sur le terrain, il risque d’être un texte symbolique de plus. Les États-Unis espèrent un compromis durable. Les acteurs régionaux prient pour une désescalade. Les Congolais, eux, attendent des actes plutôt que des signatures.


Noël Ndong