Hapsatou Sy : « Il est temps que l’Afrique arrête de prendre les autres en exemple »

Dimanche 21 Juillet 2013 - 17:00

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À 32 ans, la Franco-Sénégalaise Hapsatou Sy a réussi à s’imposer contre vents et marées comme un modèle de réussite dans le monde des affaires. Chef d’entreprise, jeune femme dynamique, fondatrice des centres de beauté Ethnicia, elle est aussi présente à la télé chaque midi dans l’émission Le Grand 8 sur D8. En séjour à Brazzaville à l’occasion de l’élection de Miss Fespam 2013, elle évoque avec nous son parcours d’entrepreneure

Les Dépêches de Brazzaville : Vous avez installé votre salon de beauté pendant plusieurs jours au Congo à l’occasion de Miss Fespam. L’Afrique est-elle la nouvelle destination de votre marque ?

Hapsatou Sy : Nous évoluons de plus en plus à l’international. Le continent africain est une priorité pour nous. Je voulais montrer que le rêve africain existe. Il est temps que l’Afrique arrête de prendre les autres en exemple. On parle aujourd’hui de la Chine et de l’Inde, il est temps que l’on soit aussi pris en exemple pour les bonnes choses que l’on fait. J’ai voulu à travers Miss Fespam associer ma voix pour défendre l’idée que les Miss ne doivent pas être que des exemples de beauté. Elles doivent porter des missions intelligentes. C’était intéressant de mixer femme, entrepreunariat  et indépendance.

LDB : Votre expérience dans l’entrepreunariat a démarré en 2005, plutôt avec succès, en montant votre société Beauty Revolution et la marque Ethnicia. Comment expliquez-vous le succès de vos débuts ?

HS : L’école de la vie m’a appris beaucoup de choses. Le parcours de mon père notamment, car de la brousse sénégalaise, dans le Fouta, il est arrivé en France dans des conditions pas évidentes. Et malgré cela, nous avons eu la chance d’aller à l’école. Lorsque l’on a conscience de ce parcours, on ne peut pas cracher dessus. Cela m’a permis très tôt d’avoir la rage de ne pas gâcher le parcours de mon père. De plus, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont apporté des conseils. Il a fallu aussi, dans un contexte français, s’imposer et refuser d’accepter que le fait d’être noir soit un handicap.

LDB : Vous êtes une personne ambitieuse et motivée. Êtes-vous du genre à vouloir réussir à tout prix ?

HS : Réussir oui, mais pas à n’importe quel prix. Il faut vouloir réussir, c’est important, et il ne faut pas avoir honte de le dire, mais cela dépend où on place la réussite. Il ne faut pas réussir professionnellement en négligeant sa vie personnelle. Il ne faut pas vouloir réussir à tout prix au point d’avoir du mépris pour les autres. Il y a de la place pour tout le monde. On n’est pas dans une compétition où il faut écraser les autres pour gagner.

LDB : La réussite de votre société vous a donné l’envie de développer un réseau de filiales. Mais cela s’est soldé par un échec, la fermeture des filiales et une affaire en justice. Que vous inspire cette expérience aujourd’hui ?

HS : Une belle expérience de vie, car l’entrepreunariat c’est prendre des risques. La fermeture des filiales est liée avant tout au projet que j’avais lancé, « 100 femmes ont décidé de changer leurs vies ». Les choses ont été déformées dans les médias, surtout sur les réseaux sociaux. On m’a accusée d’escroquerie en des termes relativement douloureux. Mais il n'y a eu aucune condamnation. La plainte qui a été déposée n’a pas abouti, parce ce que le dossier était vide. On ne peut pas dire de quelqu’un qu’il est un escroc quand c’est lui a financé la chose. J’ai perdu 3 millions d’euros dans cette affaire, ce qui n’est pas négligeable.

LDB : En quoi consistait ce projet « 100 femmes ont décidé de changer leurs vies » ?

HS : Il portait sur le repérage et la formation des filles. J’avais envie de transmettre mon énergie, mon temps et mes expériences à d’autres filles et je l’ai fait pendant un an. Mais j’ai fait l’erreur de faire de l’assistanat au lieu de m’arrêter à l’accompagnement, à force de les materner et de les aider …

LDB : Vous regrettez d’avoir lancé ce projet, surtout après la mise en redressement judicaire de votre société ?

HS : Ça a été un projet passionnant, dans lequel j’ai mis beaucoup d’énergie. C’est vrai que l’échec a été dur, mais je ne regrette rien. C’est difficile pour ces filles, mais il faut continuer à avancer. Au démarrage de cette aventure, elles ne savaient pas ce qu’était un business plan, comment faire une étude de marché, elles ont tout appris. On ne peut donc pas me tenir responsable. La seule chose, c’est qu’affectivement j’ai demandé la mise en redressement de mes sociétés. C’était le plus grand projet de la boîte et devant cet arrêt, il fallait tout restructurer. Le redressement judiciaire permet aux entrepreneurs que nous sommes de souffler, d’observer la situation, de rectifier le tir.

LDB : Après cet échec, vous sentez-vous capable de refaire cela à l’avenir ?

HS : Je reprends déjà, mais différemment, car je ne veux plus faire de l’assistanat. Je ne donnerai plus d’argent gracieusement. Je veux donner utile. Observons la population sur le continent : il y a beaucoup de femmes qui ont envie de faire des choses, mais qui manquent de moyens. Elles sont hyperconsommatrices de cosmétiques, mais les produits qu’elles achètent viennent de l’étranger et elles n’y gagnent quasiment rien. L’idée c’est d’apporter mes produits et de les donner aux femmes qui vont ensuite les revendre et gagner 30%. À chaque fois qu’elles vont vendre pour 100 FCFA, elles gagneront 30 FCFA, et ça leur permettra de devenir indépendantes, avec un suivi continu de notre équipe, notamment en termes de formation.

 

L’interview beauté d’Hapsatou Sy

Que faites-vous pour entretenir votre corps ?

Je mange. J’applique mon huile Cas de force majeure tous les jours sur le corps, de la tête aux pieds, et sur les cheveux.

Votre plus mauvais réflexe beauté ?

Quand j’ai un bouton, ne pas attendre qu’il s’en aille tout seul et l’enlever moi-même. Ça crée une tache que je dois traiter ensuite.

Vous avez deux heures à consacrer à votre beauté, que faites-vous ?

Je me fais masser et me fais faire un bon soin du visage, car une belle peau bien démaquillée et bien soignée c’est  aussi le secret d’une vrai beauté. Ensuite, je prends mon jus d’orange frais et je me fais maquiller plutôt nature.

Qui incarne la beauté selon vous ?

Mandela. La beauté du cœur, c’est la première des beautés.

Qu’est-ce qui vous motive le plus ?

Réaliser des rêves à plusieurs.

 

 

Propos recueillis par Meryll Mezath

Légendes et crédits photo : 

Photo : Hapsatou Sy. (© DR)