Cour de cassation : les deux juges récalcitrants en mauvaise posture

Mardi 11 Août 2020 - 16:15

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Le feuilleton de deux juges de la Cour constitutionnelle réfractaires à leur nomination par ordonnance présidentielle à la Cour de cassation ne tarit pas encore en rebondissements.

Les avis divergent quant à la portée de leur acte, salué par les uns et décrié par d’autres avec, en soubassement, un juridisme taillé sur mesure. Pendant que le chef de l’Etat est en train de tisser sa toile en plantant le décor de l’indépendance de la magistrature que requiert l’Etat de droit, ce nouvel épisode tend à annihiler ses efforts de régénérescence d’une justice longtemps politisée et aux ordres. 

Le mardi 4 août au Palais de la nation, les juges Noël Kilomba et Jean Ubulu ont brillé par leur absence à la cérémonie de prestation de serment censé concrétiser leurs nouvelles affectations à la Cour de cassation. La panoplie des magistrats nommés dans les plus hautes juridictions du pays se sont livrés à cet exercice légal, sauf les deux précités qui ont préféré « achever » leur actuel mandat – encore en cours - de neuf ans à la Cour constitutionnelle. Ils ont évoqué l’article 158 de la Constitution qui prévoit le renouvellement des membres de la Cour par un tiers par groupe tous les trois ans.   

Nommés en juillet 2014 à la Cour constitutionnelle par l’ancien président Joseph Kabila Kabange, les deux juges récalcitrants n’ont aucune raison de se prévaloir de ce privilège dès lors que l’ordonnance les nommant à la Cour de cassation  a abrogé celle antérieure dans ses dispositions, expliquent les praticiens du droit. «  C’est Comme si cette position de la Cour constitutionnelle est attachée à leur propre personne », s’est d’ailleurs étonné le Pr Banyaku, ancien membre de la Cour constitutionnelle. Pour lui, il s’agit là d’une indélicatesse de la part des deux juges précités pour laquelle ils ne peuvent s’enorgueillir.

« Pour des juges dont le mandat court dans l’illégalité puisque renouvelé sans tirage au sort conformément à l’article 158 de la Constitution, évoquer le statut particulier du juge constitutionnel pour justifier leur comportement ne sied guère par rapport au contexte de leur nomination », a-t-il expliqué. Pour se dédouaner et se donner une bonne conscience, les deux juges incriminés ont évoqué quelques anomalies ayant, selon eux, entaché la procédure de leur nomination, notamment leur non-consultation préalable. Cependant, des sources au faîte du dossier allèguent qu’ils ont été régulièrement notifiés de leur nomination au poste de présidents à la Cour de cassation entre le 21 et 22 juillet 2020. Bien plus, rien n’astreint constitutionnellement le chef de l’Etat à se plier à un tel exercice, si ce ne sont les dispositions de la Constitution qui lui donnent le plein pouvoir de statuer ou de poser des actes en la matière.

D’après d’autres indiscrétions, le Conseil supérieur de la magistrature auprès de qui les deux juges avaient introduit leur recours en opposition à leur nomination aurait réservé une fin de non recevoir à leur requête. Ce qui est sûr, c’est que les juges Kilomba et Ubulu se sont mis dans des sales draps. Ils ont fait un « faux bond ». Il ne reste plus qu’au chef de l’Etat de tirer toutes les conséquences de droit  en rapport avec l’incurie de ces deux magistrats considérés à ce jour comme démissionnaires conformément à l’article 45 point 3 de la loi organique  du 10 octobre 2006 portant statuts des magistrats. La même disposition, en son alinéa 2, confère au président de la République le droit de constater ladite démission, par voie d’ordonnance, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Dont acte !

Alain Diasso

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