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La rhétorique électoraliste

Lundi 22 Février 2021 - 15:56

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La pire chose qui puisse arriver à un menteur n’est pas tant de se faire démasquer. Mais, c’est de ne plus être cru, même quand il dit la vérité. C’est le malheur de cet employé qui, pour se faire un peu d’argent, s’est forgé une idée de génie. Il annonçait, chaque année, à ses employeurs et à ses proches, la mort inopinée de sa mère. Il est revenu, saison après saison, sur la même annonce funeste au point où les uns et les autres ont fini par se demander s’il n’avait pas une mère qui décédait puis ressuscitait, année après année. Le jour où celle-ci mourut, il ne s’est trouvé personne pour lui croire et donc pour compatir à cette lourde épreuve.

Ces histoires racontées autrefois pourraient nous revenir, cette fois, sous d’autres formes beaucoup plus préoccupantes. La Cour constitutionnelle vient de statuer sur les candidatures de la prochaine élection présidentielle au Congo. Pour un fauteuil, sept candidats ont été retenus pour le briguer. Ainsi, va s’ouvrir une période de turbulences où toute discussion respectueuse et constructive deviendrait impossible, puisqu’il s’agit, désormais, de caricaturer et de calomnier l’adversaire, plutôt que d’exposer simplement ses idées en vue de convaincre de potentiels électeurs. Pour des raisons évidentes et à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale, nous ne comprenons même plus ce que nous lisons dans les journaux ou sur les blogs des érudits.

Au regard de ce qui se dessine, cette campagne sera un moment palpitant où les émotions s’imposeraient comme la seule norme des joutes politiques. Autant dire qu’il servirait de fondement à la stratégie de certains challengers en mal d’inspiration. Un moment où acteurs politiques et intellectuels de tout poil se comporteraient comme des hordes hurlantes, broyant sur leur passage toutes personnes ayant une pensée différente de la leur et partant, ils tiendraient pour « imbécile » tout Congolais extérieur à leur obédience. Un moment où tout propos de bon sens sera noyé dans le fracas du mensonge que certains commencent à nous habituer depuis quelque temps. Cette dérive mensongère s’était répandue de manière insidieuse lors de la conférence nationale souveraine. Une période de libertinage où les mythomanes rivalisaient d’ardeur, à un tel point où, dépité, un participant avait comparé cette grand-messe à une espèce « d’usine à mensonges ».

Situation inquiétante si elle en était une. Car, depuis quelques années nous sentions des signes avant-coureurs de l’imbrication du mensonge et de la vérité. Les deux concepts avaient commencé à cesser de cohabiter. Aujourd’hui, ils se confondent et nous sommes dans l’incapacité de distinguer l’un et l’autre. Les journaux, loin de nous informer se donnent à cœur joie à une surenchère pathétique. Désormais, il nous est difficile d’appréhender les lignes de partage entre la vérité et le mensonge. Une confusion bien alimentée, pour ainsi dire ! Même dans nos pires prévisions, nous ne prévoyions pas que le mensonge allait s’abattre si vite, sur notre pays.

Mais, il faut espérer, malgré tout. L’histoire nous a montré, à de multiples occasions qu’en des périodes désespérantes, il suffit qu’une seule personne garde sa dignité, sa lucidité et son intégrité et s’évertue à ne dire que ce qui est vrai, pour que, comme une traînée de poudre, la vérité se répande à nouveau et éclaire le Congo. C’est l’espérance !

Valentin Oko

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Édition Quotidienne (DB)

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