Interview. Thierry Poyet : « J'espère aider mes lecteurs à se sentir plus forts quand ils reposent mes livres »

Jeudi 8 Avril 2021 - 20:34

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Universitaire et homme de lettres français, Thierry Poyet s’est livré à notre rédaction par cet entretien qui dévoile succinctement sa vie d’écrivain.

Les Dépêches du Bassin du Congo :  Thierry Poyet, pouvez-vous décliner votre identité ?

Thierry Poyet : Maître de conférence en littérature française, agrégé es lettres, je suis né à Saint-Etienne où j'ai grandi et fit mes études. J’enseigne aujourd'hui à Clermont-Ferrand. Spécialiste de Flaubert (j'ai publié une vingtaine d'ouvrages scientifiques et une soixantaine d'articles universitaires), Paraissait en novembre dernier 2020 une biographie de mon auteur de prédilection : Flaubert (éditions Ellipses). Pourtant, j'ai toujours rêvé d'écrire des romans.

Ce que Camus ne m'a pas appris, paru le 9 mars dernier, chez Ramsay, est mon 2e roman après La petite Stéphanoise en septembre 2019.

LDBC : Comment est née cette vocation d’écrivain ?

T.P : A force de lire et d'étudier les plus grands écrivains de la littérature française, il fallait bien que je saute le pas un jour. En réalité, j'ai toujours rêvé d'écrire et de publier des romans : mon plus grand bonheur serait de vivre de ma plume. Mais comme il n'est pas facile de percer en littérature, j'ai d'abord enseigné et étudié les œuvres des plus grands maîtres.

En parallèle, j'ai accumulé quelques manuscrits au fond de mes tiroirs qui n'ont pas trouvé d'éditeur ou que je jugeais trop autobiographiques.

Un jour, enfin, j'ai écrit le roman qu'il fallait, qui me convenait et qui a plu à un éditeur, c'était la petite Stéphanoise. On était en septembre 2019 et c'était un roman à la fois historique et social.

J'avais envie de parler de ma ville natale, Saint-Etienne, d'une période qui a façonné la ville et deux ou trois générations avec une tragédie à la fin de la Seconde Guerre mondiale... J'avais envie de montrer l'héroïsme au quotidien, avec le destin malheureux d'une petite fille (comme il y en a eu tant) mais aussi de proposer un roman positif, qui montre le pouvoir de résilience malgré les épreuves de la vie.

LDBC : Pouvez-vous nous parler de votre nouvel ouvrage « Ce que Camus ne m’a pas appris » ?

T.P : "Ce que Camus ne m'a pas appris" est un roman social, dans l'air du temps qui prend pour cadre les manifestations des Gilets jaunes en France, en 2018. C'est le roman de la "France périphérique" selon l'expression du géographe Christophe Guilluy, un tableau des gens ordinaires qui ne supportent plus la médiocrité de leur existence et rêvent d'une autre vie dans un autre monde. C'est aussi le moment où ces gens ordinaires sont poussés à la révolte - personnelle et collective - comme un dernier espoir, avant de sombrer définitivement.

Le roman se construit à travers le portrait de deux personnages en rupture. Ils sont tous les deux en quête du bonheur - et peut-être surtout en quête de soi -. Ils sont partagés entre cynisme et désillusions. Ils ne croient plus en rien mais rêvent encore de croire en la vie. D'un côté, Thomas Chambertin, le petit prof raté qui a cru trouver le bonheur dans les bras de sa maîtresse, de l'autre une jolie et jeune juge issue de la belle bourgeoisie, Anne-laure Guérin : deux personnages qui n'étaient pas faits pour se rencontrer et qui vont apprendre, contre toute ressemblance à repérer leurs ressemblances

Camus dans le roman ? C'est l'auteur préféré de Thomas Chambertin. Il ne cesse de le relire mais il ne comprend pas que Camus lui enseigne à aimer la vie, malgré tout. Il le lit mais il reste en marge, il se sent être, avec la jeune juge, les "étrangers" du nouveau siècle.

Avec Chambertin et les "Gilets Jaunes" qu'il fréquente, j'ai voulu brosser le tableau sans concession d'une société de déclassés ; avec Chambertin et Guérin, c'est le portrait de deux êtres emblématiques qui ne savent plus 'faire société' ; avec Camus, c'est le retour de l'absurde dans la vie, une vie qu'il faudrait pourtant aimer...

LDBC : Un dernier message ?

T.P : Je crois que c'est en lisant qu'on apprend la vie, c'est en tout cas dans la littérature que j'ai fait mon éducation, politique, sociale, amoureuse et je ne considère pas que les romans d'aujourd'hui doivent être consacrés à scruter le nombril de l'écrivain ! Je veux une littérature engagée dans la société, qui aide à réfléchir, qui prenne position, qui montre la réalité, que ce soit celle d'une petite fille de 1944 (La petite Stéphanoise) ou celle d'un quinquagénaire de 2021 (Ce que Camus ne m'a pas appris).

J'espère aider mes lecteurs à se sentir plus forts quand ils reposent mes livres, en tout cas à avoir envie d'affronter la vie et peut-être à la croquer à pleines dents. La littérature ? Rien de tel pour se sentir plus vivants ! Merci à vous !

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Thierry Poyet

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