Patrimoine national : la Belgique va restituer à la RDC les œuvres d’art obtenues illégalement

Samedi 19 Juin 2021 - 15:11

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La décision a été prise lors de la dernière réunion du conseil des ministres restreint (kern), indiquent le journal De Standaard.

 

Thomas Dermine, secrétaire d'État belge, chargé de la Politique scientifique, a estimé que ce qui a été acquis par la force et la violence dans des conditions illégitimes doit, en principe, être restitué. « Il est apparu que les 85.000 pièces qui se trouvent à Tervuren peuvent être rangées en quatre catégories. Dans la première se trouvent des objets qui ont été acquis et transférés de manière absolument illégitime : 283 d'entre eux - soit 0,3 % du total - sont clairement identifiés comme des butins de guerre, acquis par la violence et 600 objets sont arrivés jusqu'en Belgique de manière illégale. A propos de ces catégories d'objets, le principe est clair, ils doivent être restitués. Cependant, une 'convention de restitution-dépôt' pourrait être conclue avec la RDC pour les objets dont il a été démontré qu'ils ont été acquis de manière illégitime », a expliqué le secrétaire d'Etat, dans des propos relayés par l’agence de presse Belga.

Une restitution d’ici 2024

Par ailleurs, dans une interview accordée au journal Le Vif, Thomas Dermine a indiqué qu’ il y aura un engagement de restitution d'oeuvres sous cette législature. « Notre pays s'engagera résolument sur la voie des restitutions. Mais il n'y aura pas de geste symbolique spectaculaire. Imaginez qu'on remette en grande pompe une douzaine de masques Yaka à la RDC. Ce serait reproduire un schéma paternaliste. Il ne suffit pas d'un message de regrets du roi des Belges et d'un don d'oeuvres d'art pour se dédouaner des souffrances et des humiliations causées par la colonisation », a-t-il indiqué. Thomas Dermine a déclaré plaider, après un échange de vues entre Bruxelles et Kinshasa pour une expression officielle de la Belgique. Le processus concerne notre département, les Affaires étrangères et la Coopération au développement. « Nous tiendrons compte des recommandations de la commission parlementaire sur le passé colonial, mais je veux avancer dès maintenant, car la législature file vite. Je tiens à ce qu'il y ait des engagements formels de restitution sous ce gouvernement, donc d'ici à 2024 », a fait savoir le secrétaire d'État belge, chargé de la Politique scientifique.

Ce dernier a également révélé que la plupart des pièces issues de la période coloniale se trouvent dans les collections fédérales et que plus de 90% des biens culturels susceptibles de faire l'objet d'une restitution se trouvent à l'AfricaMuseum, institution dont il a la tutelle. « Le défi est plutôt juridique: pour pouvoir transmettre les biens, il faut les transférer du domaine public de l'Etat, inaliénable, au domaine privé. En revanche, la question d'une supposée perte de patrimoine pour la Belgique est caduque: les collections du musée de Tervuren sont gigantesques et d'une richesse inouïe. A peine 1% de ces objets est exposé dans les salles. De plus, les pièces restituées pourront toujours être accessibles aux scientifiques grâce à la digitalisation. Peu importe, au XXIe siècle, la localisation physique des objets et spécimens, qu'ils soient à Tervuren ou à Kinshasa ».

Dossier complexe

Pour Thomas Dermine, le dossier est à la fois sensible et complexe. Sensible parce qu'il s'inscrit dans les rapports entretenus par la Belgique avec les pays africains autrefois sous sa dépendance. Complexe, parce qu'il exige de se poser trois questions pour chaque pièce. La première est celle du contexte dans lequel l'oeuvre été acquise. « Y a-t-il eu vol, pillage, transaction commerciale ? Cette étude de provenance n'est pas facile: ces oeuvres ont été acquises il y a parfois plus d'un siècle. Les sources qui permettraient de savoir dans quelles conditions cela s'est produit sont rares et lacunaires. Une fois cette étude réalisée, il faut s'interroger sur la destination: à qui restituer le bien ? Au pays concerné, à une institution, à un dignitaire local ? La Belgique privilégiera toujours les restitutions interétatiques. Nous souhaitons que les objets soient hébergés dans les musées nationaux. La troisième question est celle de la conservation. Il faut obtenir du destinataire des garanties de préservation des pièces restituées. Les espaces de présentation au public et de stockage doivent répondre à des conditions de conservation et de protection: degré d'hygrométrie de l'air, systèmes de sécurisation pour que les pièces ne se retrouvent pas sur le marché noir, comme cela s'est déjà produit autrefois », a indiqué le secrétaire d'État belge, chargé de la Politique scientifique.

Pas encore de demande officielle de la RDC

Néanmoins, Thomas Dermine a confirmé que  Kinshasa et Kigali n’ont pas encore adressé une demande officielle de restitution des oeuvres. « Mais les institutions de ces pays et les nôtres sont en contact permanent. Le musée de Tervuren est un pôle majeur de l'écosystème de préservation du patrimoine artistique et culturel africain. Il a des relations avec des institutions en Europe et en Afrique et à la capacité de porter le débat de manière apaisée. Il faut entamer un dialogue avec les pays sources, qu'il y ait une réflexion ici et là-bas », a-t-il signifié.

Une conférence internationale sur la restitution en 2022 en Belgique

 Au cours de cette interview, Thomas Dermine a fait savoir que, sur initiative du secrétariat d’Etat chargé de la Politique scientifique, une conférence internationale sur la restitution des oeuvres spoliées pendant la colonisation sera organisée en 2022 en Belgique, avec la participation d’historiens de l'art, d’experts des instituts de recherche et de juristes.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Deux oeuvres d'art

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