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Main dans la main

Samedi 31 Juillet 2021 - 18:47

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Peut-être la plus belle image de cette année 2021 pour les Ivoiriens ? Le 27 juillet, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo se tenaient dans la main devant les caméras pour manifester aux yeux de leurs compatriotes et du reste du monde leur désir de paix et de réconciliation. Le premier est au pouvoir depuis que son prédécesseur l’a quitté en 2011, après onze années d’exercice. Il n’était pas parti de son propre gré et cela peut expliquer le grand intérêt suscité par cette rencontre rendue possible grâce à l’acquittement de l’ex-président par la Cour pénale internationale qui le poursuivait pour crimes contre l’humanité.

Plus d’un mois auparavant, le 17 juin, quand il a regagné la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo avait indiqué, à travers un certain nombre de postures gestuelles et discursives qu’il ne renoncera pas à son combat politique. Il a ainsi profité de sa rencontre avec l’autre ancien président ivoirien, Henri Konan Bédié, dont il est devenu un allié, pour jeter la pierre dans le jardin du président en poste, Alassane Ouattara. En considérant notamment que ce dernier lui avait nettement « volé » sa victoire à la présidentielle de 2010 à la contestation de laquelle sont nées de graves dissensions suivies de violences meurtrières dans leur pays.

Avec la patiente qu’on lui connait, le président Ouattara s’était abstenu de commenter les déclarations de son ami de longue date, le temps sans doute de le recevoir et de lui parler de vive voix au palais présidentiel, lieu symbolique pavé de solennités et même de sobriétés. Une demi-heure d’entretien, les voilà qui conviennent de passer l’éponge sur ce passé peu glorieux qu’ils ont ensemble fomenté et sur les chroniques duquel leurs concitoyens retiennent forcément des choses divergentes.

Certes, pour le commun des Ivoiriens friands du moindre geste, de la moindre parole de leurs leaders respectifs, le pas franchi par les deux hommes sur le chemin de la réconciliation nationale mérite des éloges. Ils ont raison quand on scrute la profondeur des rancœurs semées sur ce chemin par les violences rappelées plus haut et ayant fauché tant de vies. Pour les familles que le souvenir des années 2010-2011 et même bien avant signifie larmes, douleurs, plaies, perte d’un être cher, commuer des absences irremplaçables par le large sourire lâché par leurs dirigeants peut contribuer à creuser encore un peu plus dans les blessures non cicatrisées.

La vérité est que les peuples l’apprennent au long de l’histoire des nations qu’ils forment : quand ils ont des comptes à régler, les entrepreneurs politiques sont capables du meilleur et du pire. La magie réside dans le fait que quelles qu’en soient les circonstances, ces derniers peuvent toujours compter sur la fidélité indéfectible de leurs partisans. C’est pour cela qu’il est difficile de prédire les conséquences des choix qui sont les leurs quand la soif les étreint d’en découdre à tout prix.

En 2010-2011, on avait eu l’impression que Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ne s’adresseront plus la parole ; que le trio Alassane Ouattara-Henri Konan Bédié -Guillaume Soro était soudé pour la vie ; que l’ex-Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, si proche de Laurent Gbagbo, garderait le « temple » FPI (Front populaire ivoirien) jusqu’au retour de son grand compagnon. La réalité est dans ce que constatait le philosophe : tout est changement, tout est mouvement.

A ceux qui sont d’élan à brûler la maison du voisin pour des querelles de pouvoir, en Côte d’Ivoire ou ailleurs, d’apprendre beaucoup des classes politiques de leurs pays. Elles sont pour tout dire composées d’hommes et de femmes qui ont le sens de la guerre et de la paix, entretenant souvent avec habileté le jeu de leurs intérêts communs. Il vaut mieux donc, pour l’équilibre des sociétés, que les peuples fassent la paix éternellement avant ces hommes et ces femmes à qui Dieu prête longue vie. Dans son infinie magnanimité,  le Très-Haut les récompense en quelque sorte de la mission qu’ils reçoivent de lui de bâtir les nations et non pas de les détruire. En principe !

Gankama N'Siah

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