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Gagner la légitimité

Samedi 11 Septembre 2021 - 18:35

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Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a du travail. Son pays est, en effet, aujourd’hui confronté à un défi de taille au regard des derniers développements de l’actualité internationale en Afghanistan. Comment reprendre l’initiative dans cette vaste région stratégique du Moyen-Orient après avoir, dans une certaine mesure, perdu la face suite à l’évacuation mouvementée de Kaboul lorsque, le 15 août, contre toute attente, les Talibans ont chassé du pouvoir le gouvernement installé par les soins des puissances occidentales ?

On le sait, les grandes puissances ne crèvent quasiment pas. Elles perdent des batailles tellement qu’elles en engagent souvent beaucoup sur plusieurs fronts, mais elles ont la suite dans les idées, les moyens et le temps avec elles. On pourrait même dire, en prenant ces concepts dans leur intellection positive, que les grandes puissances sont des revanchardes silencieuses. Il est contreproductif, même si elles en apprennent à leur dépens, d’essayer de profiter d’une quelconque « victoire » sur elles, quels qu’en soient les lauréats recueillis, pour chercher à les défier indéfiniment. Pour tout dire, Washington dispose d’atouts pour profiter de la situation actuelle de l’Afghanistan et se la jouer à son profit. Cela explique, entre autres, pourquoi Antony Blinken garde un contact suivi avec le Qatar devenu la plaque tournante de la diplomatie occidentale dans la région.

Le diplomate en chef des Etats-Unis se sait néanmoins dans une passe complexe. La première chose que l’on observe depuis lors dans le déroulé de ses prises de parole est qu’il a su adopter le profil bas. Devant l’enchaînement des événements les trois dernières semaines et pour mieux gérer la tension palpable générée par le retour au pouvoir des insurgés afghans, il avance à petits pas. La guerre par les moyens violents étant derrière, il peut compter sur celle des mots qui ne blessent pas l’ennemi si tel n’est pas l’objectif final de l’échange. Commentant le coup de feu « victorieux » tiré par les Talibans lorsque le dernier soldat américain a quitté Kaboul, Blinken les a simplement invités à « gagner » leur légitimité auprès de la communauté internationale.

A quoi cela renvoie-t-il ? A ce que comme nation, l’Afghanistan ne vive pas en autarcie. Malgré le fait de parader en armes dans les principales villes qu’ils viennent de conquérir, les nouveaux maîtres de Kaboul savent que leur pays a besoin d’échanger avec d’autres pays, y compris ceux qu’ils prennent en aversion pour les avoir combattus les deux dernières décennies. Sur cette considération, les Etats-Unis, comme la France, l’Allemagne, le Canada ou l’Italie ne pourront donc pas lever totalement le pied en Afghanistan. Il en va du partage des rôles entre les « Grands » dans ce monde si concurrentiel où les intérêts des uns se négocient au détriment de ceux des autres quand tous ne parviennent pas à surmonter leurs contradictions.

Autre sonorité qui porte à croire que Washington poursuivra le dialogue avec les Talibans, ces félicitations adressées par la diplomatie des Etats-Unis à ces derniers quand ils ont autorisé, jeudi 9 septembre, le départ depuis l’aéroport de Kaboul d’un avion civil avec à son bord quelque 200 passagers, parmi lesquels des citoyens américains. Pour s’être livrées à une guerre sans merci pendant vingt longues années, les deux parties sont en mesure de savoir sur quels points se vouer un respect mutuel. Pour les Américains, la ligne rouge est que l’Afghanistan ne soit un repaire pour des terroristes qui menaceraient leurs intérêts ; pour les Talibans, elle est que les Etats-Unis ne leur dictent ce qu’ils doivent faire en tant que nation souveraine.

Toutes choses qui signifient qu’entre eux, Américains et Talibans pourraient passer les temps à venir à rechercher au quotidien les clés d’une relation portée par le désir de se parler sans se laisser marcher sur les pieds. Sera légitime ce que chacun trouvera convenable pour soi.

Gankama N'Siah

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