Opinion

  • Le fait du jour

Partenaires insaisissables?

Samedi 18 Septembre 2021 - 13:16

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Au cours des douze derniers mois se sont produits en Afrique des événements politiques majeurs, pour l’essentiel, liés aux changements « brutaux » à la tête de certains pays. Au Mali, le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Kéita a été renversé par les militaires ; au Tchad, le président Idriss Deby Itno a perdu la vie, le 20 avril 2021, au cours d’affrontements contre les rebelles venus de l’extérieur ; en Guinée, le 5 septembre, le président Alpha Condé a été écarté du pouvoir par les soldats.

Ceci dit, le cas tchadien peut être tiré à part. L’hypothèse d’une révolution de palais soutenue par certains n’ayant pas fait du chemin, attachons-nous à celle d’une tragédie survenue au champ d’honneur pour le maréchal Deby telle qu’exposée par les officiers ayant pris sa suite, au premier rang desquels se trouve son propre fils, le général Mahamat Idriss Déby. Dans les cas malien et guinéen, en revanche, l’irruption des hommes en uniformes sur la scène politique suivant le modèle classique des coups d’Etat militaires pose, comme dans bien d’autres considérations, le problème des partenariats qui lient l’Afrique aux puissances extérieures.

Qu’ils relèvent de la coopération économique et financière, de l’assistance en matière de défense, sécurité, lutte contre le terrorisme ou même de l’appui à la promotion des valeurs démocratiques, exposés aux intrigues des putschs, ces partenariats prennent nécessairement un coup. Comment, en effet, promouvoir des accords conclus avec les bailleurs de fonds, les investisseurs et autres facilitateurs internationaux si l’Afrique ne peut assurer que des alternances pacifiques s’exerceront à la tête de ses Etats membres de façon pérenne ?  Où en est l’excuse dans tout cela ?

En diverses occasions, lorsqu’une junte évince un pouvoir qu’elle conteste, il prospère dans l’opinion publique une illusion de « fin » des peines réelles ou supposées endurées par la population sous le régime précédent. Des scènes de joie qu’improvise la rue, les discours généralement bien ciblés de ceux qui accèdent aux affaires font le lit de ces illusions. Au fond, les vides créés par les changements non accompagnés de passage règlementaire de témoin sont parfois difficiles à boucher que les espoirs qu’ils suscitent.

En tout état de cause, sur les notions de respect des valeurs démocratiques, comme sur celles des usages en matière de coopération bilatérale ou multilatérale, les relations entre l'Afrique et ses partenaires extérieurs sont rarement linéaires. Elles gèlent et dégèlent au gré des événements qui se succèdent sur le continent et du regard que ces partenaires leur portent. Des fois, Paris, Bruxelles, Londres, Lisbonne, Rome, pour ne citer que ces capitales occidentales attachées à Afrique par l’histoire, tombent dans l’expectative devant les retournements de situations dans leurs ex-colonies. Seul bémol, le soupçon a la peau dure qui veut que ces capitales ne soient pas étrangères à ces soubresauts.  

Une question revient alors : depuis soixante ans, les ex-puissances coloniales ont-elles développé avec leurs anciennes colonies d’Afrique des axes de travail susceptibles de procurer à ces dernières les clés pour s’arrimer à la modernité et s’affranchir de leur tutelle bienfaitrice ? Certainement pas. D’où ces retours en arrière récurrents dans plusieurs Etats africains, motivés par une soif inextinguible de réparer les torts imputés aux autres, pourtant aussi par la fragilité des modèles de coopération en vigueur jusque-là.

A titre d’exemple, depuis l’annonce du rapprochement entre les autorités de la transition à Bamako et la société privée de sécurité russe « Wagner », la France a exprimé sa préoccupation pour la simple raison que ses forces sont au Mali pour combattre les groupes terroristes aux côtés de ce pays et de ses voisins. Ce fut aussi le cas quand « Wagner » a pris ses quartiers en Centrafrique. Comme si les uns et les autres ne se faisaient pas confiance vraiment. Pourtant il faut bien, pour l’intérêt de tous, qu’entre partenaires s’établisse une confiance véritable.

Gankama N'Siah

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Le fait du jour : les derniers articles