Opinion

  • Tribune libre

Il s’appelait Chairman

Lundi 27 Septembre 2021 - 19:09

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


De « Marja » sa toute première œuvre musicale en 1988 à « A qui la faute » sa toute dernière en 2018, Chairman laisse transparaître qu’il a adopté la musique par goût ludique. Faisant passer la danse avant la chanson, il a été pendant plusieurs années une bête insaisissable du spectacle. Autant dire qu’il est incontestablement le premier artiste à créer des figures rythmiques modernes, à partir d’une danse traditionnelle dénommée « Engondza », organisée lors des cérémonies funéraires dans des contrées Mbochis des Plateaux et de la Cuvette. Exhibée exclusivement par la gent féminine, à ses origines, « Engondza » se base essentiellement sur le mouvement du corps, de la tête, des bras et le trépignement. Ainsi, pour magnifier cette danse, l’artiste a associé, aux mouvements initiaux, le jeu des pieds et le karaté dont il vouait une grande passion, avant de la personnifier dans la chanson « Engondza mwassi ya Kilo ».
 
Cependant, si Chairman a été un habile danseur d’« Engondza » ou de « Pè Bouanga », il avait la faiblesse de ne pas impressionner  les mélomanes par le chant. Ce qui lui avait valu quelques quolibets de la part de la plupart des musiciens qui pour certains ont fini par adopter son style. L’ayant tôt compris, il a compensé cette faiblesse par la virtuosité de Bongol ou Tsana, deux ténors qui ont introduit les pérégrinations mélodieuses de la chanson traditionnelle dans la musique moderne congolaise. Le titre « M-J alembi » « M-J a disparu », aura été la plus brillante expression de ce concept et la chanson a fait la célébrité de l’artiste.

Pamphlétaire à volonté, son art, pour ne pas faire dans la langue de bois, attaquait frontalement tous ceux qu’il considérait comme ses adversaires. De même, son engagement politique ne faisait aucun doute. De fait, il ne se privait pas, à l’occasion, de l’exprimer grâce à sa passion musicale. Le titre « Rupture », chanté en association avec « Roga-Roga », lui aurait attiré des foudres et valu une longue inimitié avec certains cadres administratifs du pays.
 
Après 71 ans de vie accomplie, l’homme au mille et un vocables : Buldozer, Paka-Paka, Meilleure vedette, Chairman dont le nom véritable était Jacques Koyo est retourné, la semaine dernière, à la terre des ancêtres. C’est la loi de la compensation immanente. Mais cette mort gomme aussi toutes les couleuvres qu’il a ingurgitées au cours de son séjour en cette terre des hommes. Bien aimé, Chairman l’a été également. Il laisse des milliers de mélomanes que ses rythmes ont marqués au fer rouge. Tellement ceux-ci ont intégré ses œuvres, tellement sa musique a influencé leur existence. Une redoutable mission qu’il n’a pas achevée. Pourtant c’était une raison pour qu’il vive encore un siècle. Siècle dont il s’était proclamé « le génie ». Mais la mort qui est la raison finale de toute existence l’a emporté, le 21 septembre 2021 à Brazzaville. Alors, adieu l’artiste !
 

 

 

Valentin Oko

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Tribune libre : les derniers articles