Construction : Antoine-Béli Bokolojoué évoque l’importance des plans locaux d’urbanisme

Samedi 2 Octobre 2021 - 13:45

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L’humanité célèbre, le premier lundi du mois d’octobre, la Journée mondiale de l’architecture et la Journée mondiale de l’habitat. Dans une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville, le président de l'Ordre des architectes du Congo (OAC), Antoine-Béli Bokolojoué, revient sur l’importance de ces deux journées et évoque la nécessité de doter les villes de Brazzaville et de Pointe-Noire des Plans locaux d’urbanisme.

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Quelle est la philosophie de la Journée mondiale de l’architecture?

Antoine-Béli Bokolojoué (A.B.B) : Célébrée le premier lundi de chaque mois d’octobre, la Journée mondiale de l’architecture a été créée par l’Union internationale des architectes (UIA) en 1985, dans le but de reconnaître le travail accompli par les architectes et de célébrer les grandes œuvres architecturales mondiales. Elle a lieu cette année le lundi 4 octobre.

L’architecture est extrêmement importante et les architectes ont le potentiel de façonner toutes nos vies grâce à leur dur labeur. En outre, l’architecture joue un rôle essentiel dans la planification de l’avenir, le maintien de la croissance démographique et la résolution de nombreux problèmes sociaux. L’UIA est une ONG internationale, une fédération mondiale d’associations nationales d’architectes qui représente plus de 1,3 million d’architectes dans 124 pays et territoires.

Les événements et les activités de la Journée mondiale de l’architecture comprennent, entre autres, des conférences, des forums, des colloques, des tables rondes, des expositions, etc. Chaque année, l’UIA choisit un nouveau thème pour la journée et encourage ses membres à associer leurs événements et activités en cohérence avec le thème de l’année en cours.

LDB : Quel lien faites-vous entre l’architecture et la problématique de l’habitat ?

A.B.B : Proclamée par une résolution des Nations unies, la première Journée mondiale de l’habitat a été célébrée en 1986. Cette célébration vise à sensibiliser au droit fondamental à un logement convenable pour chacun. C’est aussi l’occasion de rappeler à la communauté internationale sa responsabilité collective dans l’avenir de l’habitat humain.

Cette journée permet de réfléchir à l’état de nos villes et de nos villages ainsi qu’à leur développement. En effet, une planification est nécessaire afin d’éviter le développement chaotique de l’étalement urbain et tous les problèmes associés. Une ville bien planifiée et organisée permet de devenir un centre d’activités économiques et les défis urbains peuvent être résolus. De plus, des opportunités peuvent continuer à être offertes aux résidents actuels et futurs.

A l’inverse, une ville chaotique peut devenir un cadre propice à la marginalisation, aux inégalités et à l’exclusion sociale. L’accès à un logement adéquat est un facteur primordial pour éviter ce problème. Un autre facteur important est que, à mesure que le climat mondial évolue, le risque de catastrophes naturelles augmente. Ce risque est particulièrement important dans la région des Caraïbes et en Amérique centrale.

Les niveaux élevés de densité de population, associés à des mauvaises techniques de construction, ont donné naissance à des bidonvilles dépourvus d’infrastructures adéquates, d’organisations communautaires et de sécurité d’occupation. En cas de catastrophe quelconque, une panne complète peut entraîner une situation chaotique énorme et des pertes en vies humaines énormes.

LDB : Vous parlez justement de l’étalement urbain et tous les problèmes associés, les 23 et 25 septembre derniers, se sont tenus à Brazzaville et à Pointe-Noire, les ateliers de validation des Plans locaux d'urbanisme (PLU). C’est quoi un PLU ?

A.B.B : Vous n’êtes pas sans savoir que les villes de Brazzaville et de Pointe-Noire se sont dotées en 2016, grâce au Projet eau, électricité et développement urbain (Peedu), d’un Schéma directeur d’urbanisme (SDU) à l'horizon 2035. Ce document est le premier stade de la planification des villes car il permet d’asseoir une stratégie de développement de la ville. On dit d’un SDU qu’il est un document d’urbanisme stratégique. Il prescrit des orientations générales de développement en prenant en compte tous les secteurs du domaine urbain : occupation des sols, habitat, développement économique, protection de l’environnement, mise en place des infrastructures (voirie et drainage essentiellement), mise en place des équipements (à cette échelle, uniquement des équipements de grande portée : CHU, université, ...), etc.

Un SDU est un document opposable aux administrations, c’est-à-dire que les acteurs institutionnels congolais sont dans l’obligation de respecter les prescriptions définies par le SDU, notamment lorsqu’il s’agit d’implanter une infrastructure. Malheureusement, et c’est souvent le cas dans les pays en développement, ces prescriptions sont rarement appliquées du fait d’une méconnaissance des acteurs institutionnels de l’application d’un document d’urbanisme et parce qu’un SDU est juridiquement peu coercitif.

Le deuxième stade de la planification des villes est l’élaboration du PLU.  Dans d’autres pays, on parle de plan directeur d’urbanisme ou de plan d’occupation des sols. Un PLU se doit d’être plus précis car il fixe les règles d’occupation du sol et donc les règles de construction. Il permet de localiser l’ensemble des domaines publics (domaines publics naturels et artificiels de l’État, domaines privés de l’État ou des collectivités, servitudes), élément important de la gestion urbaine car malheureusement l’État est parfois incapable de protéger ses propres domaines en l’absence d’une cartographie précise.

LDB. :Les PLU ont-ils pris en compte les paramètres de développement local ?

A.B.B : Selon des paramètres de croissance démographique et économique et des objectifs de densité à définir (sachant qu’il faut limiter l’étalement urbain), le PLU permet de définir plus précisément ce que sera l’accroissement de la ville ces prochaines années.

 En fonction de cet accroissement, un PLU permet de réserver et de préserver, de manière plus efficace, les emprises nécessaires à l’implantation des équipements socio-collectifs, sachant qu’il s’agit d’un des enjeux principaux des villes africaines qui ne disposent plus du foncier nécessaire à la mise en place d’équipements publics en faveur de la population ; - enfin, en ce qui concerne le domaine privé et la construction sur les parcelles individuels, le PLU fixe des règles de construction selon une méthode de zonage. Il sera, par exemple, question de définir les règles pour la surface des parcelles, la hauteur des bâtiments, le coefficient d’emprise au sol (…) dans le but de promouvoir la densité du bâti et la mixité des fonctions au sein des quartiers.

LDB : Quelle est donc l’importance d’avoir un PLU pour les villes de Brazzaville et de Pointe-Noire ?

A.B.B : Le PLU est un document d’urbanisme règlementaire, et non plus stratégique, opposable aux administrations mais aussi à l’ensemble des tiers. Sa principale fonction est qu’il doit influer l’approbation et la délivrance des autorisations d’urbanisme, à savoir essentiellement les permis de lotir et de construire. Avec un PLU, l’État congolais et les collectivités seront juridiquement en capacité de pouvoir refuser : l’approbation d’un plan de lotissement s’il n’est pas conforme aux règles d’urbanisme (notamment sur la question de la réservation des emprises publiques d’infrastructures et d’équipements). Or, ce problème de conformité d’un plan de lotissement, avant son implantation sur le terrain par les géomètres-experts et par le cadastre, est sans doute la principale raison du désordre urbain que connaissent les villes des pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne.

Avec l’élaboration d’un PLU, l’État congolais se donnerait les moyens de pouvoir lutter à moyen-long terme contre l’absence de réserves foncières qui nuit à l’exécution des politiques publiques nationales : « comment améliorer la santé de la population si les villes ne disposent pas de site pour aménager un CHU ou des CSI dans les quartiers ? ». - la délivrance des permis de construire sur les parcelles privées, si la demande n’est pas conforme aux règles instituées par le PLU. Face à l’urgence du défi urbain dans les villes africaines, nous pensons sincèrement que ce sujet est moins stratégique que le point précédent sur les plans de lotissement, même s’il apparaît incontournable pour une gestion urbaine parfaite.

Au niveau des objectifs, en ce qui concerne les règles de construction, le PLU peut permettre une certaine hégémonie des constructions à l’intérieur des quartiers. Trop souvent, il existe des problèmes de voisinage car, dans les quartiers, le bâti ne respecte aucune cohérence, notamment en matière de hauteur. Des immeubles à plusieurs étages sont parfois adjacents à des bâtisses en rez-de-chaussée. En fixant une hauteur minimale et maximale des constructions, le PLU peut améliorer la forme urbaine des quartiers. En ce qui concerne l’assainissement des parcelles, notamment en matière d’eaux usées, le PLU peut exiger des pétitionnaires la construction d’une fosse septique étanche afin de lutter contre l’insalubrité des quartiers, la pollution des eaux et des sols, et le développement des maladies hydriques. C’est pourquoi le gouvernement a entrepris l’élaboration des PLU des villes de Brazzaville et de Pointe-Noire.

Propos recueillis par Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

Antoine-Béli Bokolojoué/DR

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