Bénin : la France restitue vingt-six œuvres d’art du palais royal d’Abomey

Jeudi 28 Octobre 2021 - 13:46

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Le Musée du Quai Branly expose, jusqu’au 31 octobre, vingt-six œuvres d’art du Bénin avant leur restitution à leur pays d’origine. Pour Bénédicte Savoy,  « on est dans un moment historique ».

Les pièces uniques exposées avaient été pillées par les troupes coloniales en 1892 et leur retour marque un tournant dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. Ces vingt-six œuvres d'art sont exposées au Musée du quai Branly jusqu’au 31 octobre, avant d'être restituées au Bénin. C’est donc une partie du patrimoine culturel  qui rentre au Bénin, 129 ans après le pillage du palais royal d'Abomey par la France, alors puissance coloniale. Ces retours ont été rendus possibles par une loi votée le 24 décembre 2020 permettant des dérogations, pour des œuvres considérées comme inaliénables dans les collections publiques, lorsqu'elles ont fait l'objet d'un pillage caractérisé.

Bénédicte Savoy, du Collège de France, professeure d’histoire de l’art, co-autrice avec l'écrivain sénégalais Felwine Sarr d'un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, publié en 2018, explique : « Ces objets, qui viennent de la cour du roi Béhanzin, racontent une part considérable de l'histoire du Bénin, avant la colonisation par la France. Ces statues ont été transportées à Paris dans un acte de violence après le pillage du palais de ce roi par un général français. Elles ont donc une importance aussi pour l'histoire de la France comme puissance coloniale, puisqu'elles montrent combien la France, comme les autres puissances coloniales européennes, ont eu tendance à se servir dans leurs colonies non seulement en biens naturels, mais aussi en biens culturels. L'importance de ces pièces est considérable et, d'ailleurs, elles ont toujours été exposées à Paris depuis les tout-débuts du musée ethnographique au Trocadéro, dans les années 1900 ».

Trois sénateurs  français ont déposé une proposition de loi pour créer un conseil scientifique qui serait chargé de donner un avis sur les demandes de restitution et d'éclairer les responsables politiques. Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, les deux auteurs du rapport sur la restitution du patrimoine africain aux pays d'origine, avaient déjà proposé le vote d'une loi cadre qui permettrait de sortir du concept français d'inaliénabilité pour ces œuvres transférées à Paris dans les contextes coloniaux. Pour ce qui concerne la restitution des œuvres au Bénin, c’est une loi spécifique qui a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Le fait que le Sénat souhaite créer une commission va dans le sens de l'idée d'une loi cadre qui permettrait de ne pas refaire à chaque fois le parcours législatif qui vient  d’être fait pour ces œuvres.

La confiscation de certaines collections par Paris, Berlin, Bruxelles, Londres, Lisbonne, Amsterdam ou Rome n'est plus compatible avec l'avenir d'une relation apaisée au XXIe siècle entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains. Depuis 2019, outre le Bénin, six autres pays ont fait des demandes de restitution, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, l'Ethiopie, le Mali, le Tchad et Madagascar. Il faut ajouter tous les pays qui ont été occupés par d'autres puissances.  Pour Bénédicte Savoy, « on est vraiment au-delà du seul contexte français, on est dans un moment historique de changement de paradigme du rapport avec les anciennes colonies d'Afrique au sud du Sahara et, si je peux ajouter cette remarque, il était temps. La nouvelle géographie du patrimoine africain, qui pour le moment est concentrée en Europe, va advenir progressivement après cette première restitution ». Le président français, Emmanuel Macron, souhaite voir l’Europe s’engager sur le chemin des restitutions.

Noël Ndong

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