Afrique de l’ouest et du centre : trente-huit millions de personnes menacées par la faim

Mercredi 8 Décembre 2021 - 11:38

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Près de trente-huit millions de personnes sont menacées par la faim en Afrique de l’ouest et du centre à cause de l’impact de la pandémie due au coronavirus, de la sécheresse et de l’insécurité dans la région, a averti, le 7 décembre, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM).

Les deux agences onusiennes estiment que la situation va encore empirer. Si des mesures rapides ne sont pas prises, près de trente-huit millions de personnes devraient souffrir de la faim dans cette région entre juin et août 2022, période difficile pour l’alimentation, dite de « soudure », avant les prochaines récoltes. Il s’agit d’une augmentation de 24 % par rapport à 2020.

En outre, deux millions de personnes en République centrafricaine (RCA) ont besoin d’une aide humanitaire urgente. Au total, trente-huit millions de personnes en Afrique de l’ouest, au Cameroun et en RCA ne seront pas en mesure de satisfaire leurs besoins fondamentaux, y compris alimentaires, sans aide extérieure.

Les récentes analyses de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle du Cadre harmonisé dans la région révèlent que pour la période d’octobre à décembre 2021, vingt-six millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Il s’agit de la « phase 3 ou pire » du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).

Plus de 13 000 personnes « près de la famine » au Nigeria

Dans ce lot, environ plus de huit cent mille personnes en situation d’urgence (Phase 4) en Afrique de l’ouest et au Sahel, ainsi qu’au Cameroun. « Parmi ces trente-six millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë (Phase 3 ou pire), près de 2,6 millions seront en situation d’urgence (Phase 4) lors de la prochaine période de soudure, de juin à août 2022 », a déclaré, lors d’une conférence de presse virtuelle depuis Dakar (Sénégal), Amadou Diop, conseiller régional pour le bureau de la FAO au Sahel et en Afrique de l’ouest.

Plus grave encore, environ treize mille cinq cents personnes connaîtront une situation catastrophique (Phase 5 du système d’alerte précoce), c’est-à-dire « des conditions proches de la famine, dans certaines régions inaccessibles de l’État de Borno, dans le nord-est du Nigeria ».

« La situation est grave. L’insécurité alimentaire s’étend dans la région », a affirmé le responsable principal de l’évaluation et du suivi du PAM pour l’Afrique de l’ouest et du centre, Ollo Sib. « Presque partout où nous sommes allés, la population est inquiète », a-t-il ajouté.

Au rang des principales préoccupations, la « mauvaise saison des pluies », conduisant à de mauvaises récoltes et à un déficit de pâturages et d’eau pour le bétail.

Un panier ménager 30 à 40 % plus cher

« Lorsqu’on leur a demandé de fournir une année de référence afin de comprendre la gravité de la situation, les personnes que nous avons rencontrées ont comparé la situation actuelle à celle que la région a connue en 2011, 2017 ou 2019, notamment en Mauritanie, dans la région du lac Tchad et dans le Sahel central. Ces années ont été exceptionnellement sèches dans le Sahel, où une sécheresse massive a touché des millions de personnes en Afrique de l’ouest », a fait valoir Ollo Sib.

Il ressort également de la mission des experts de l’ONU au Cameroun et au Sénégal que « les gens s’inquiètent du coût élevé de la nourriture, en général 30 à 40 % plus élevé que dans le reste du monde ». Le prix des aliments a « grimpé en flèche dans de nombreux pays », réduisant l’accès à la nourriture.

À Bol, dans la région du Lac Tchad, les éleveurs vendent du bétail pour acheter des céréales. L’année dernière, avec un bovin vendu, ils pouvaient acheter sept sacs de mil, voire plus. « Mais cette année, ils m’ont dit qu’ils ne recevaient que cinq sacs de millet », a expliqué le responsable principal de l’évaluation et du suivi du PAM pour l’Afrique de l’ouest et du centre.

Par ailleurs, la population s’inquiète, notamment au Sahel et au Nigeria, « de l’insécurité persistante, des fragilités institutionnelles, de la multiplication des conflits intercommunautaires », a fait remarquer Ollo Sib.

Toujours en Afrique de l’ouest, la population du nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin, du Togo s’inquiète aussi « de l’expansion des activités des groupes armés vers les pays côtiers ».

Le coût de l’inaction pourrait être élevé

En plus de cette insécurité et des conditions climatiques, la population doit encore faire face aux effets à long terme de la pandémie de covid-19.

« La population est accablée », a dit Amadou Diop, relevant que l’extrême pauvreté a augmenté de 3 % entre 2020 et 2021 en Afrique de l’ouest.

Face à cette situation, une planification anticipée et des actions précoces sont nécessaires. D’autant plus que la disponibilité réduite des pâturages et la mobilité limitée due à l’insécurité poseront d’énormes défis aux éleveurs au cours des prochains mois. Dans le même temps, dès le début de 2022, les pays sont invités à investir de manière adéquate dans la préparation de la prochaine saison agricole.

Pour l’ONU, il s’agit d’investir dans les moyens de subsistance de la population pour éviter une aggravation de l’insécurité alimentaire. « Garantir un accès immédiat à la nourriture, une production alimentaire soutenue et préserver les systèmes alimentaires constituent la réponse humanitaire la plus rentable, ouvrant la voie au redressement, en particulier dans les zones touchées par des conflits, comme la région du Liptako-Gourma et le bassin du lac Tchad », a souligné Amadou Diop.

De son côté, le PAM avertit que le coût de l’inaction pourrait être élevé. « La communauté internationale doit intervenir avant que la période de soudure n’entraîne une augmentation des besoins », a fait remarquer le responsable principal de l’évaluation et du suivi du PAM pour l’Afrique de l’ouest et du centre.

Dans cette course contre la montre en Afrique de l’ouest et du centre, l’objectif est désormais « de renforcer la résilience des communautés et d’agir maintenant pour empêcher une hausse évitable des taux de malnutrition ».

Josiane Mambou Loukoula

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