Violences sexuelles : un nouveau départ pour Naliada

Jeudi 16 Décembre 2021 - 19:00

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L’histoire de Naliada, 23 ans, cristallise l’esprit. Abusée sexuellement par son père entre 9 et 22 ans, l'étudiante en troisième année de licence lettres, option philosophie, est encore sous l’emprise de la peur. 

Ses mots, sa voix, ses gestes, tout indique que la jeune fille en phase de devenir femme est à la croisée des chemins entre sa reconstruction et ce besoin de s’affranchir de ce passé qu’elle traîne comme un boulet. Entre incertitude et errance, la jeune fille a enfin décidé de mettre un point final à son passé en libérant la parole.

« Papa venait dans ma chambre quand mes petits frères et ma belle-mère n’étaient pas là ou quand tout le monde dormait. C’était un rituel qu’il m’avait imposé ; tant que je ne cédais pas, il ne me lâchait pas. On pouvait rester là toute une nuit et par lassitude, je cédais », avoue Naliada, le regard baissé et le cœur envahi de culpabilité.

Son père a commencé à abuser sexuellement d’elle depuis qu'elle avait 9 ans et ce, sans pouvoir compter sur sa belle-mère pour la sortir de cette situation. « Elle m’avait fait promettre de garder le silence pour ne pas salir l’image de son mari. Je ne devais en parler à personne, car selon elle, il y avait des choses qu’il fallait garder pour soi », explique la jeune fille qui se terre dans le silence, car dit-elle, on ne peut pas obtenir gain de cause lorsqu’on a en face de soi des gens qui ne veulent ni voir ni entendre des choses insupportables.

Naliada passe ainsi des nuits cauchemaresques, des années d’errance et de mélancolie, parfois animée de colère et d’envie de suicide. La jeune fille ne trouve pas d’issue de secours.  « J’étais comme dans une prison, je dépérissais à petit feu, j’allais vraiment mal, mais j’avais honte de parler », avoue-t-elle.

L’école va alors devenir un refuge pour elle. « C’était ma planche de salut, au moins pendant les cours, il ne pouvait pas me harceler. Je restais le plus longtemps possible à l’école afin de l’éviter », témoigne la jeune fille.  Si Naliada ne se décide pas à dénoncer son père, elle se sent toutefois honteuse et a peur qu’on la prenne pour une menteuse. « Le viol est un sujet tabou. Comment dire que mon père abusait de moi ? Je me disais que Dieu finira bien par me délivrer un jour, je priais que cela se termine », laisse-t-elle entendre.

Pendant toutes ces années, son père la couvre de cadeaux pour acheter son silence. « Il ne me donnait pas de cadeaux pour le plaisir d’offrir. Il s’occupait bien de moi pour me faire taire, et aussi, pour se faire passer pour un père responsable », explique la jeune fille. Son père avait tout fait pour la soustraire du monde extérieur pour avoir une totale main mise sur elle.« Je n’avais pas le droit de sortir, d’avoir des amis filles comme garçons », dit-elle en fondant en larmes.

L’élément déclencheur

Ce qui pousse la jeune fille à délier la langue est qu’elle mourait à l’intérieur et que malgré tous ses efforts de vouloir s’en sortir, elle n’y parvenait pas. « J’en avais ras-le-bol, je me détruisais en gardant le silence, je me sentais très mal… Et à la télé, il y avait des histoires similaires à la mienne où des enfants dénonçaient leurs parents, c’est ce qui m’a poussée à le faire », dit-elle en sanglotant.

Elle fugue pour rejoindre sa mère à Pointe-Noire et mettre fin à ce traitement que lui infligeait son père. « Quand je me suis confiée à elle, ma mère était bien sûr choquée et en colère. Avec maman et ma grand-mère, on est allées voir mon père, qui a reconnu les faits. Il a aussi avoué les faits devant sa femme et sa mère », affirme l'étudiante.  

Libérer la parole a été une décision salutaire pour la jeune fille qui commence tout juste ses séances avec un psychologue. Mais il faut y aller doucement, les blessures sont bien présentes, et celles qui semblent se cicatriser s’ouvrent à la moindre occasion. « Les victimes d’inceste oublient difficilement et celles qui y parviennent développent une valorisation du moment présent », révèle la psychologue qui suit Naliada

En plein processus de reconstruction, la jeune fille est consciente que treize années de vie volée ne se réparent pas en un claquement de doigts. Son vœu est d’aller de l’avant et de réaliser son rêve d’enfance : être styliste modéliste.

Enfin, comme le souligne Bonélie Nganongo, agent au guichet unique d’Azur développement/Brazzaville, « beaucoup de personnes restent impunies comme le père de Naliada et ces derniers peuvent de nouveau reproduire les mêmes actes sans être inquiétés. Il est donc temps que la population prenne conscience (victimes ou témoins silencieux) et dénonce le viol ».

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Entre douleur et rage de guérir/DR

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