Evocation : « On roule en mbeba, on dort en yoga »

Jeudi 27 Janvier 2022 - 18:09

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A la fin de la guerre du 5 juin 1997, l’expression « On roule en mbeba, on dort en yoga » connut un sort des plus enviés. De simple boutade utilisée par les cascadeurs Cobras durant la guerre, cette expression se généralisa, prenant de l’ampleur à Brazzaville et dans tout le pays. Les musiciens du groupe les « Baobas » de Makélékélé en firent un refrain. Un sociologue, Daniel Akweli Oba, dans un article consacré au jargon issu de la guerre, la mit en bonne place dans ses publications.

Dans un registre tout à fait particulier, le journal ‘’La Rue meurt’’ tenta de montrer dès février 1998 une théorie fondée sur le mot ‘’mbeba’’ extrait de la même expression. En effet, depuis sa manchette ‘’Attention ! mbebisme à tribord’’, un concept était né : c’est le mbebisme. Celui-ci était une dérision à travers le prisme duquel les rédacteurs de la ‘’Rue meurt’’ tournaient en bourrique les autorités issues de la guerre et leurs actions. Le gouvernement est mbébiste, x est mbébiste, y est mbébiste, au moins je ne suis pas mbebiste. Telle fut la nouvelle mode de rejet made « la Rue meurt. »

D’après ces auteurs, l’analogie était vite trouvée, grâce à la magie de ce mot, entre le pouvoir de l’ancien régime ‘’Tribu-classe’’ de Lissouba et le pouvoir de Sassou II. Un signe d’égalité était ainsi placé entre mouvouze et mbebisme (Mouvouze dérision de « Mouvance » présidentielle sous Lissouba) en kituba signifie pagaille, chaos, désordre). Ce mot fut mis en exergue par le même journal pour décrier l’action de Pascal Lissouba.

Dans l’édition n° 245, semaine du 6 au 12 août 1998, Chris Mbémbé écrivait que ‘’la disparition du mbebisme est tributaire de la résolution globale des problèmes générés par la guerre…’’ Pourtant l’auteur de cette citation se fourvoyait lorsqu’il tenta de trouver l’origine du mot ‘’mbeba’’ et, donc sur le sens à donner au terme mbebisme qui y découlait. Car, pour le rédacteur de la Rue meurt ‘’ce mot d’origine mbochi désigne un petit animal (sibissi ou ancolade en français) alerte et rapide, qui au moindre danger se faufile dans les herbes à la recherche d’un trou (…). Pour fuir la pluie des obus, on sautait dans la première voiture et on roulait en mbeba’’. L’erreur de Chris Mbembé était patente et dérivait d’une illusion phonétique doublée d’une confusion due certainement à la méconnaissance de la langue mbochi. Illusion phonétique parce que le mot ‘’mbeba’’ n’avait rien à voir avec le mot ‘’mbief’a’’, petit animal qui participe de la famille des hérissons. Confusion parce qu’il n’était pas certain que dans les différents dialectes mbochi : mbosi, koyo, ngaré, mboko, kouba, kwala, on trouve le mot mbeba, petit animal (sibissi ou ancolade) répondant à la caractéristique énoncée par Chris Mbembé. Par contre, s’il y a un petit animal qui court se cacher dans son trou à la moindre alerte, c’est bien celui connu sous le nom ‘’kollo’’, de la famille des rats palmistes et rien d’autre.

Ainsi, l’expression ‘’rouler en mbeba’’ n’avait rien à voir avec l’analogue proposée par la ‘’Rue meurt’’. D’où venait donc le mot mbeba ? La réponse fut lue que triviale : mbeba était un mot brazzavillois. (A suivre)

Ikkia Ondai Akiera

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