Mali : l’Union européenne suspend ses sanctions

Vendredi 28 Janvier 2022 - 14:43

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Sous la crainte de perdre le Sahel, la diplomatie européenne fait volte-face et suspend ses sanctions contre le gouvernement malien de transition. 

L’Union européenne (UE) annonce la suspension des sanctions contre le Mali. Après avoir parlé du gel du budget économique et des sanctions ciblées contre le Mali, le chef de la diplomatie européenne, Joseph Borell, fait état de la suspension des sanctions contre ce pays. Cette suspension intervient après l’invitation du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, à Bruxelles pour discuter de l’avenir de la force européenne Takuba au Sahel, selon une source diplomatique.

« On ne peut pas inviter le ministre malien des Affaires étrangères avec des sanctions contre lui », a-t-il affirmé. Les tensions géopolitiques entre Paris et Bamako seront au cœur de la rencontre.  Face à la recrudescence des coups d’Etat militaire en Afrique de l’ouest, l’UE et la France appellent à la prudence pour ne pas perdre le contrôle du Sahel. Josep Borrell et Abdoulaye Diop se sont rencontrés, le 26 janvier à Bruxelles, pour prendre part à la 7e réunion ministérielle du G5 Sahel 5 (Mauritanie, Mali, Burkina Faso Niger et Tchad) et de l’UE. En raison de désaccord entre ces pays autour de cette rencontre, le général Mahamat Idriss Deby Itno, qui assure la présidence du G5, a demandé son ajournement. Il devait être question de la gestion de la transition et des questions sécuritaires.

Josep Borrell a tenu a échanger individuellement avec les ministres présents, excepté celui du Faso, dont le pays vient de connaître un coup d’Etat. « Cette série de rencontres m’a permis de faire le point sur la situation très préoccupante au Sahel et notamment sur les derniers événements au Burkina Faso et au Mali. Et sur l’extension de la menace vers les pays voisins », a déclaré Josep Borrell. Il aurait demandé « des garanties » pour assurer l’efficacité des missions d’appui aux forces de défense et de sécurité maliennes. Des sanctions plutôt individuelles auraient été réclamées pour ceux qui « entravent la transition ».

Auparavant, Abdoulaye Diop avait rencontré les autorités belges, notamment la cheffe de la diplomatie, Sophie Wilmès. Cette dernière a relayé les inquiétudes de son pays quant à la situation au Mali, où il pourrait réexaminer son engagement si rien ne change. « La Belgique a indiqué qu'elle attendait d'urgence des propositions concrètes et crédibles sur la durée de la transition et le retour à l'ordre constitutionnel. De telles informations  sont déterminantes au regard d'une prochaine décision européenne sur d'éventuelles sanctions et, au niveau belge, d'un réexamen des différentes dimensions de notre engagement au Mali », peut-on lire dans un communiqué du cabinet de la ministre. 

Sur le plan militaire, la Belgique participe au groupement de forces spéciales européennes Takuba au Mali, une force placée sous commandement français et qui assiste l'armée malienne dans la lutte contre le terrorisme. « La présence d'une milice privée reconnue pour ses abus et son non-respect des droits humains pose sérieusement la question du maintien du partenariat actuel », poursuit le communiqué.

Les sanctions de la Cédéao et leurs conséquences au Mali

Le gouvernement de transition au Mali a laissé entendre ne pas pouvoir respecter le délai demandé par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) pour l'organisation d'élections permettant de rendre le pouvoir aux civils. Alors que le Mali est déjà en froid avec la France, les dirigeants ouest-africains ont décidé, à leur tour, de lourdes sanctions à la suite de cette annonce. Des sanctions qui pourraient avoir des conséquences économiques et sociales rapides - si elles étaient appliquées par les pays voisins. Parmi ces mesures figurent la fermeture des frontières des pays de la Cédéao jouxtant le Mali, la suspension des échanges autres que de produits de première nécessité et le gel des avoirs du pays entreposé à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'ouest .

Sur le plan économique, le gel des avoirs entraînera une asphyxie du pays d’ici à trois mois, peut-être même avant, selon Kako Nubukpo, commissaire de l'Union économique et monétaire ouest-africaine. Sur les denrées de première nécessité, la première victime sera la population. Les prix ont déjà commencé à augmenter sur les marchés.

Sur un plan politique, cette situation a galvanisé la population. Dans un élan souverainiste, les Maliens sont sortis nombreux manifester sur toute l’étendue du territoire, avec des motivations plurielles : lassitude  de la détérioration de la situation, rejet des Français et réaffirmation de l’indépendance souveraine du Mali, érigeant Assimi Goita au rang de figure sankariste. Et derrière les sanctions de la Cédéao, beaucoup de Maliens y voient « la main invisible » de la France. A tort ou à raison !

Qu’en  est-il des accords de défense entre la France et le Mali ?

Le gouvernement de transition malien demande la révision des accords de défense, signés par la France avec certains pays africains de son pré carré au moment de leur indépendance, dont nombre disposaient de clauses de confidentialité ayant entretenu la suspicion à l’égard de la fameuse « françafrique ». Dans le cas d’espèce, il s’agirait d’un traité de coopération en matière de Défense adopté en juillet 2014 à Bamako.  Il aura permis la mise en place de l’opération Barkhane. Sa révision a été notifiée à Paris depuis décembre 2021. Pour le vice-président de la Commission de Défense et sécurité du Conseil national de transition, Kalilou Ouattara, « ce n’est plus à la France de parler au nom du Mali. C’est ce que le président de la transition, le colonel Assimi Goita, a notifié aux autorités françaises […] Désormais le Mali traitera de façon bilaétrale et multilatérale avec tous les autres Etats sans intermédiaire. Ce n'est pas seulement une question de dénonciation du traité de coopération militaire entre les deux pays. Mais il s'agira pour la France de renoncer à son titre d'intermédiare qui lui permettait de parler au nom du Mali ".

Pour la chercheure à l’Iris, Caroline Roussy, le Mali affirme sa souveraineté pleine et entière, ce qui au demeurant correspond à la politique de « sahélisation » souhaitée par la France même si elle est la première à être concernée par ladite révision.

Noël Ndong

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