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Réécouter Aïcha Koné

Lundi 6 Juin 2022 - 16:04

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Tout simplement sublime ! La vedette ivoirienne de la chanson, la bien nommée Aïcha Koné, a effectué un détour par Brazzaville, au Congo, pour répéter après Franklin Boukaka son hymne éternel à la liberté des peuples, "Le bûcheron". Les artistes sont aussi cela : créatifs, captivants, tout bonnement, irrésistibles. L’Ivoirienne en fait non pas à sa tête mais à son aise. C’est vrai que le titre de Franklin, sorti en 1970, a de quoi renvoyer à l’histoire ancienne, pourtant la puissance de son dire est d’un retentissement irremplaçable. 

Les Bûcherons ? Il n’y en a peut-être plus beaucoup dans le coin, la forêt dans laquelle ils récoltaient le bois à la hache étant dorénavant passée sous le contrôle de grands industriels, les lois visant sa protection devenant implacables et le discours environnementaliste officiel aidant, les damnés de la sylve font désormais attention. On ne coupe que rarement à l’aide de cet instrument de servitude médiéval, et on vend de moins en moins le bois à la criée comme dans les temps anciens. 

En 1992, Aïcha Koné a donc monnayé "Le bûcheron" contre "Africa Liberté". Cela ne froisse personne dans la mesure où Franklin Boukaka lui-même porte l’essentiel du message de sa célèbre chanson à travers les concepts de "Africa" et "Liberté". Le souffle que répand la diva ivoirienne dans sa reprise est encore splendide quand on observe sa parfaite maîtrise du lingala, la langue de la chanson congolaise moderne, puis avec quelle autonomie elle l’a rythmée au son de la rumba, la vraie rumba. "Le bûcheron", version Africa Liberté, se danse donc en piste comme toutes les mélodies rumba.

Du Sénoufo et du Malinké, les langues de son riche répertoire, l’auteure de "Kanawa" s’est invitée sur les berges du fleuve Congo comme pour rappeler que non seulement elle est une artiste accomplie, mais que la musique n’a pas de frontière. Quand le chanteur engagé qu’il fut s’en prenait aux élites africaines des temps des indépendances, Franklin Boukaka ne savait pas qu’il écrivait sur du marbre. A l’instar des bouleversements qui l'inspiraient, ses nombreuses chansons « révolutionnaires » ne sont plus à la mode, mais "Le bûcheron" continue de passer tous les ports sans passeport. 

Les œuvres de l’esprit ont le secret de la communication, elles parcourent le monde et survivent aux soubresauts de l’existence. A 65 ans, Aïcha Koné garde sa voix intacte. Avec deux disques d’or à son actif et de nombreux prix, l’authentique africaine a fêté les quarante-cinq ans de sa carrière musicale le 21 mai. À la date de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le 7 août, elle sera sur scène et chantera pour la paix, l’amour et la réconciliation dans son pays. Qu’à cette occasion elle entonne encore "Africa Liberté !"

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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