Santé : l’OMS fait pression pour limiter le pouvoir des CDC en Afrique

Jeudi 23 Juin 2022 - 13:14

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Une quarantaine de ministres africains de la Santé s'est réunie pour discuter des amendements aux statuts des Centres africains de contrôle et de prévention (CDC) des maladies qui leur donneraient plus d’autonomie.

Au cours des discussions, qui se sont déroulées à huis clos à Addis-Abeba, en Ethiopie, une douzaine de ministres a appelé à la maîtrise de l’indépendance des CDC, faisant écho aux points soulevés par le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique. Des sources proches de ces discussions ont fait référence à la distribution d’une note d’information écrite aux ministres comme faisant du « lobbying » des Nations unies sur un processus de l’Union africaine (UA), et si elle réussissait, bloquerait la réforme du CDC Afrique et saperait sa capacité à répondre aux crises sanitaires et à prévenir les pandémies. Les changements suggérés constitueront un « arrangement sans précédent » qui nécessite « plus de discussions, une analyse plus approfondie et une pleine prise en compte de ses implications », a déclaré un porte-parole de l’OMS. Lancé en 2017, Africa CDC s’est fait connaître pour son leadership pendant la pandémie de covid-19. En février, les chefs d’État ont approuvé les efforts visant à l’élever d’une institution technique spécialisée à une agence de santé publique avec plus d’autonomie. Cette mesure lui permettrait de se mobiliser et de réagir rapidement aux crises, éliminant ainsi les frais bureaucratiques qui entraînent des retards et des restrictions. Mais l’actualisation de ces changements est un processus continu en plusieurs étapes au sein de l’UA.

Maîtriser l’indépendance du CDC en Afrique

Les bureaux de pays de l’OMS ont informé les ministres de la Santé de leur position. En premier point, l’OMS s’est opposée à l’octroi aux CDC africains du pouvoir de déclarer des urgences sanitaires régionales pour le continent. Il est dans « l’intérêt des États membres et de tous les pays africains que davantage de discussions aient lieu avant qu’une décision finale ne soit prise concernant le pouvoir des CDC africains de déclarer 'Urgence de santé publique de sécurité continentale' », a écrit l’OMS. En vertu du Règlement sanitaire international (RSI) existant et au rôle mandaté de l’OMS, son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, peut déclarer une « urgence de santé publique de portée internationale ». Le fait que le CDC Afrique déclare également des urgences sanitaires pourrait semer la confusion entre les pays, a poursuivi l’OMS, et pourrait conduire à des « rôles dupliqués ». Les États membres « ne sont pas largement favorables » aux déclarations d’urgence régionales et que celles-ci pourraient présenter un « risque associé important » pour les voyages et le commerce internationaux, selon l’OMS.

Le document demandait également que deux des bureaux régionaux de l’OMS soient représentés au conseil d’administration du CDC Afrique, de préférence un siège pour son Bureau régional pour l’Afrique et un autre pour son Bureau régional pour la Méditerranée orientale, soulignant la nécessité de ces sièges pour « renforcer la coordination » entre l’OMS et les CDC Afrique. Or, placer l’OMS au conseil d’administration ne serait pas un arrangement réciproque. Le CDC Afrique n’étant pas membre du conseil d’administration de l’OMS, pas plus que des entités telles que l’Union européenne, mais l’Union africaine (UA) assiste à son assemblée générale en tant qu’observateur. L’UA et le CDC Afrique sont en mesure de prendre la parole pour parler des décisions clés, selon un porte-parole de l’OMS. Le document visait également à limiter le rôle des CDC africains dans la coordination des urgences sanitaires. « Une telle coordination mondiale de la préparation et de la réponse aux situations d’urgence sanitaire est actuellement menée par l’OMS, en vertu du RSI et conformément à la constitution de l’OMS, et tout risque de duplication des rôles doit être abordé », indique le document.

« Perturbation volontaire »

Africa CDC a travaillé à restructurer l’architecture de la santé sur le continent dans ce qu’il a caractérisé comme un « nouvel ordre de santé publique », qui appelle à un rôle fort joué par les autorités régionales de santé publique dans l’orientation des priorités et des partenariats « respectueux », entre autres ambitions. Si les ministres privent le CDC Afrique de la capacité de déclarer des urgences et de coordonner les réponses, ils auront réduit sa capacité à mobiliser des ressources et à répondre aux crises sanitaires, a déclaré une source proche des discussions. L’indépendance nouvellement frappée « ne signifie rien » sans ces capacités, selon lui, ajoutant qu’il n’y a pas de restrictions juridiques internationales sur l’Afrique CDC déclarant des urgences et que le continent serait mieux équipé que l’OMS pour signaler rapidement ses propres urgences. « C’est tuer une organisation, sans la tuer. S’il n’est pas en mesure de coordonner, alors que fait le CDC Afrique ? », a demandé la source. « C’est très sournois et extrêmement perturbateur pour le programme de sécurité sanitaire sur le continent », a indiqué la source.

La source a qualifié le briefing de l’OMS d'« hostile » et de « perturbation délibérée » d’un processus de l’UA par l’Organisation des Nations unies, ainsi que d’un dépassement du mandat de l’OMS. Une deuxième source proche du dossier a déclaré que les points de la note d’information sont « quelque peu malhonnêtes » parce que lors de l’Assemblée mondiale de la santé en mai, l’OMS a accéléré un processus de réforme du RSI dirigé par les États-Unis, « qui est le même fondement qui, selon eux, ne doit pas être sapé » dans le briefing aux ministres africains de la santé. L’OMS est disposée à réformer les structures de sa propre organisation, mais pas celles du CDC Afrique, a déclaré la personne.

Noël Ndong

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