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Protection de l’environnement et productivité économique

Jeudi 30 Juin 2022 - 19:42

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Les questions environnementales représentent aujourd’hui un enjeu stratégique pour notre société et, de ce fait, pour les entreprises. Longtemps subordonné aux besoins de l’activité économique et considéré comme un ensemble de ressources illimitées, l’environnement apparaît aujourd’hui comme une préoccupation collective qui doit être intégrée aux activités productives. Les pressions réglementaires et sociétales pour le respect des écosystèmes imposent des contraintes auxquelles les entreprises ne peuvent se soustraire sans compromettre la légitimité de leurs activités. Dès lors, l’ouverture aux valeurs environnementales et les investissements dans des équipements de dépollution apparaissent comme une nécessité pour assurer la pérennité des activités industrielles. La réponse des entreprises aux pressions externes et aux contestations sociales est, d’ailleurs, un thème classique de réflexion de la stratégie et de l’analyse économique.

Le concept de développement durable, omniprésent dans le discours des entreprises et des gouvernements depuis la fin des années 1980, a largement contribué à populariser cette vision « gagnant – gagnant » des relations entre les actions environnementales et les intérêts économiques. Cependant, les études sur l’environnement et la productivité donnent des résultats souvent contradictoires. Certains travaux accréditent l’hypothèse selon laquelle une réglementation environnementale stricte, mais bien pensée, peut engendrer non seulement des bénéfices sociaux par réduction des dommages environnementaux, mais également des bénéfices privés pour les entreprises qui y sont soumises, ces bénéfices dépassant souvent les coûts supportés. Cette hypothèse est aussi appelée « l’hypothèse Porter ». Tandis que d’autres confirment plutôt le modèle économique classique, qui considère, quant à lui, la pollution comme une externalité négative dont la prise en compte entraîne des coûts pouvant hypothéquer la productivité des entreprises. Les débats sur ce thème n’ont pas seulement des implications stratégiques sur le choix des investissements environnementaux mais également des conséquences politiques et écologiques, l’argument économique étant souvent mis de l’avant pour retarder ou pour remettre en cause l’opportunité de certains programmes de réduction de la pollution.

Les actions environnementales impliquent, comme tout investissement, un risque qui sera d’autant plus grand que les dépenses seront élevées et que l’incertitude rendra plus difficiles les prévisions des décideurs. Cependant, les progrès en termes de performance environnementale et de productivité qu’il est possible de réaliser par cette démarche demeurent incertains et limités. L’atteinte d’objectifs environnementaux plus ambitieux appelle souvent l’adoption de technologies palliatives permettant des améliorations plus radicales, mais qui exigent des investissements coûteux et sans effets sur la productivité.

En fin de compte, ce qu’il faut retenir ici c’est que les effets des actions environnementales sur la productivité dépendent de facteurs externes et de pratiques internes qui rendent arbitraire la polarisation des débats dans ce domaine. La remise en cause de cette polarisation, qui semble plus idéologique que rationnelle, permet d’éviter deux types d’écueils. Le premier est de considérer que les investissements environnementaux représentent a priori des coûts prohibitifs qui doivent, de facto, être évités ou minimisés au risque de menacer la productivité économique. Ce type d’argument, souvent mis de l’avant par des entreprises et des gouvernements, tel dans le cas du refus de signer les accords de Kyoto par certains pays, apparaît comme une justification facile du statu quo. Le second écueil est de prendre pour acquis la doctrine « gagnant - gagnant » en investissant de façon massive dans des technologies palliatives ou, au contraire, de ne mettre en œuvre que des actions environnementales jugées « rentables » en ignorant des mesures nécessaires mais coûteuses.

Quelles que soient les options retenues, les actions environnementales ne doivent pas être entièrement subordonnées à des considérations économiques jugées plus ou moins favorables mais reposer d’abord et avant tout sur le souci de respecter l’intégrité des écosystèmes et la santé des populations.

 

 

Boris Kharl Ebaka

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