Yango : Mega Mingiedi perturbe la circulation à Kintambo Magasin

Jeudi 28 Juillet 2022 - 18:03

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Diversement interprétée et objet de curiosité des passants, piétons, passagers, chauffeurs et motards, la performance de l’artiste plasticien, parti du parking jusqu’à la chaussée, première de la biennale dans un espace à aussi grande fréquentation que ce carrefour suivie de près, a ralenti le trafic sans constituer une entrave à la circulation routière les quelques minutes de son parcours, le 18 juillet.

Mega part du parking de Kintambo Magasin pour rencontrer la population (Adiac)Mega Mingiedi a le corps couvert de poudre blanche. Pour toute tenue, il est vêtu d’un pagne de lutteur (lingwanda). Pieds nus, il traîne, attaché aux chevilles, des bidons de vingt litres et des spatules en bois qui servent à malaxer le foufou. Les bras surélevés maintiennent sur sa tête deux dessins sous verre dans un cadre en aluminium qui ne semble pas léger, l’exercice n’est pas aisé et fait de l’artiste un objet de curiosité.

Conscient que de nombreux Kinois ne connaissent pas son travail, qu’il est méconnu de la majorité de ses concitoyens, le plasticien Mega Mingiedi a voulu y remédier en se livrant à cette performance dans la rue. Son moyen de se présenter au public local alors qu’il expose et est reconnu à l’international sans que sa ville ne sache vraiment de quoi il en retourne. « Plusieurs me connaissent de nom car j’expose moins à Kinshasa qu’ailleurs. C’est ainsi que je profite de la vitrine qu’est la biennale Yango pour présenter mon travail dans l’espace urbain et l’emmener ainsi vers les Kinois. Je tiens à confronter mon travail avec la population pour établir un dialogue avec elle. J’aime cet entretien de l’artiste avec ses contemporains », explique-t-il au Courrier de Kinshasa. Et de renchérir : « Avec la performance, je fais une intervention en mettant mon corps en exhibition, j’ai un choix illimité de costumes. Aujourd’hui, mes dessins constituaient « mon costume ». J’étais très content de voir les gens réagir à ma performance. Ils l’ont interprété selon leur entendement, j’ai entendu certains dire que je suis l’artiste qui porte le poids de Kinshasa sur sa tête. J’ai aimé cette façon de voir les choses, c’est déjà positif que je suscite un discours ».

Kinois, Mega Mingiedi est un artiste plasticien qui a choisi de se spécialiser dans « l’expérimentation des villes imaginaires », précise-t-il. Il réalise des cartographies de villes et son travail, il le décrit de la sorte : «  Je questionne la vraie définition de la ville entre les vraies villes et les bidonvilles en parallèle avec tous les problèmes de société liés aux villes. Il s’agit notamment de la démocratie, la politique, la foi, la religion, l’homosexualité, la guerre et les détournements d’argent  ». Ce faisant, Mega souligne : « Ce n’est pas le rôle de l’artiste de construire la ville mais plutôt de témoigner, dénoncer le mal et porter les gens à réfléchir de manière positive ».  Mega Mingiedi en performance en pleine chaussée perturbe la circulation (Adiac)

Halte aux détournements

La performance de Mega se base sur deux dessins qui, affirme-t-il, « se rapportent aux problèmes de notre ville, Kinshasa ». Le premier, il l’a nommé EP I Tobongisa école. Et pour cause, nous dit-il : « J’y évoque une réalité observée dans la capitale mais aussi dans tout le Congo, ce grand pays, pratiquement un pays-continent avec la deuxième forêt la plus dense du monde après l’Amazonie, celle de l’Équateur. Mais il existe aussi la forêt du Mayombe au Kongo central, et pourtant les écoles où nos enfants sont instruits n’ont pas de bancs. Plusieurs écoles n’en disposent pas du tout alors que nous sommes le second pays à avoir une grande forêt ! Où vont donc tous ces arbres abattus dont nous voyons les grumes circuler en direction des ports, en Europe ? Nous-mêmes Congolais n’en bénéficions pas. C’est ce débat que je lance à travers le dessin EP I Tobongisa école ».

Le second dessin intitulé Tourniqué à Kinshasa est un jeu de mots pour signifier que les choses changent, bougent à Kinshasa, nous dit Mega. Sur un ton réprobateur, il affirme : «  Depuis quelques années, un phénomène s’est propagé dans la mentalité des politiciens congolais : l’on a dénombré beaucoup de cas de détournements de deniers publics. Ce n’est pas l’apanage du petit peuple mais vraiment des gestionnaires de l’Etat ». Le dessin décrie cette pratique car, souligne l’artiste, lorsqu’on détourne de l’argent, l’économie ne peut pas décoller, cela ne profite qu’aux détourneurs, dirigeants ou gestionnaires pourtant censés assurer la bonne marche du pays. Et de conclure : « Avec Tourniqué à Kinshasa, je mets plus l’accent sur les efforts de l’Inspection générale des finances (IGF), aidé par la justice, pour traquer les voleurs de la République. Je témoigne et encourage le ministère de la Justice à appuyer l’IGF pour que demain notre économie devienne forte, que nous ayons une meilleure vie sociale. Qu’il y ait des bancs dans les écoles, que le Congo aille de l’avant. Sur les 180 pays les plus corrompus au monde, le Congo est passé de 170e à 169e grâce à la traque que mène l’IGF. Il y a encore à faire, ce n’est qu’un petit pas à encourager. Tourniqué à Kinshasa s’adresse aux actuels gestionnaires du pays et aux étudiants qui font des études pour le devenir demain ».

 

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Mega part du parking de Kintambo Magasin pour rencontrer la population (Adiac) Photo 2 : Mega Mingiedi en performance en pleine chaussée perturbe la circulation (Adiac)

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