Où va l’Europe ?

Alors que la guerre opposant depuis des mois l’Ukraine et la Russie semblait devoir accélérer la longue marche de l’Europe vers son unification et, par conséquent, faire de l’Union européenne (UE) l’une des communautés humaines les plus structurées, les plus puissantes du globe, c’est exactement l’inverse qui se produit. En témoigne l’incapacité des pays du Vieux continent de s’entendre sur l’essentiel, à savoir leur sécurité et la protection de leurs populations, comme le démontrent, d’une part, les divergences de leurs dirigeants concernant l’énergie et, d’autre part, leur vision différente, pour ne pas dire opposée, de la défense européenne.

Survenant après le Brexit qui a vu l’Angleterre quitter brutalement l’UE, il y a deux ans, l’opposition entre la France et l’Allemagne, qui ne cesse de s’aggraver, laisse prévoir une crise interne qui pourrait bien déboucher, si rien n’est fait pour y mettre un terme rapidement, sur l’implosion pure et simple de la communauté des Vingt-sept. Et donc la déstabilisation interne d’une des institutions les plus puissantes de la planète dont les dissensions, tout au long du siècle précédent, avaient fini par  provoquer deux guerres mondiales.

S’il ne fait aucun doute qu’une telle réflexion, une telle vision négative de la vieille Europe nous vaudront à nouveau quelques remarques acerbes de la part des représentants de l’UE, les faits sont bien là pour démontrer aujourd’hui que loin de renforcer l’unité de l’Europe, le conflit provoqué dans l’Est du continent par la Russie de Vladimir Poutine en aggrave au contraire les dissensions. Une réalité très concrète qui, soit dit en passant, pousse aujourd’hui le président des Etats-Unis, Joe Biden, à agir dans le but de renforcer le Conseil de l’Atlantique Nord créé à Washington le 4 avril 1949 par douze pays et qui en compte aujourd’hui trente dans le cadre de l’Otan.

Pour dire, ou plutôt écrire, les choses de façon plus brutale, l’Europe est aujourd’hui menacée d’implosion avec, d’une part, l’Allemagne dont la puissance financière  ne cesse de se renforcer face à la France dont la dette publique devient proprement ingérable; avec, d’autre part, cette même Allemagne qui entend renforcer sa présence dans le domaine militaire face à cette même France qui est le seul pays de l’Union détenant des armes nucléaires et occupant de ce fait un siège permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Une double réalité bien concrète que personne n’ose encore traiter publiquement, mais que les observateurs de la scène européenne scrutent aujourd’hui avec la plus grande attention.

L’Histoire, la grande Histoire, nous a suffisamment démontré dans les décennies précédentes qu’il faut être  réaliste et donc regarder la vérité en face avant qu’il soit trop tard pour que nous ne fermions pas les yeux sur les vraies, les dures  réalités stratégiques du  temps présent. Réalités dont le « coup de froid »   entre Berlin et Paris donne une idée précise.