Portrait : Muleck, corps, âme et arts de la scène

Vendredi 10 Mars 2023 - 12:12

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Figure incontournable de la vie culturelle à Brazzaville, Me Muleck c’est avant tout un nom qui précède un visage. Chorégraphe, percussionniste, conteur, danseur, Me Muleck, c’est un tourbillon d’énergie sur pied, ce sont des vibrations, une envie de croquer la vie et la transmission d’une passion qui court depuis l’âge de 6 ans.

Alexandre Mikouiza dit Me Muleck est le genre de personnes dont on dit qu’elles sont la chance du commun, la valeur ajoutée de la communauté sans jamais qu’elles ne le réalisent vraiment. Elles permettent l’émulation de l’égrégore mais restent souvent si simples, humbles et accessibles qu’on douterait qu’elles soient bel et bien l’œil du cyclone, le point G du succès général.

Ayant vu le jour il y a 48 saisons de pluie, « Mwana Leke » ou « Mwana Moke » (Petit enfant en français) est ce petit garçon de 6 ans qui joue de la percussion en salle de classe et entraîne tous ses petits camarades dans un spectacle improvisé. Lui aussi entraîné par la beauté de ce qu’il vient de créer, il se lève pris d’enthousiasme sur ses deux jambes encore frêles du petit âge jusqu’aux genoux couverts d’une grosse culotte flottante d’école et se met à danser sur la table du « i, u, o » par le rythme qu’il vient d’imprimer à ses camarades.

Mwana Leke, c’est ainsi un lien viscéral avec la percussion, avec la danse et le spectacle qu’il hérite sans doute de ses parents, tous les deux artistes danseurs et percussionniste pour le père.

Pourtant, c’est la voie de l’école qui lui est imposée mais le destin, joueur, l’attend à la maison après les heures d’école, où il retrouve tambours, instruments à corde et danse du groupe dirigé par son grand-frère qui lui aussi veut voir le petit avant tout à l’instruction.

Après le départ de ces artistes qu’il admire en secret, Muleck s’essaie aux instruments jusqu’au jour où il est surpris par un des artistes du groupe, revenu sur ses pas. Face à l’enthousiasme du petit pour les instruments, il s’engage à le former en secret ailleurs qu’au domicile familial. En quelques années, le grand Muleck, tel que la postérité le connaîtra, était né.

Quelle ne sera pas la surprise de ce grand-frère à qui la scène a été refusée pour la direction administrative du groupe de réaliser, par le biais des coulisses de la célébration du 50e anniversaire de l’Organisation des Nations unies au Palais du Parlement de Brazzaville, la programmation de son petit-frère en tant qu’artiste performeur, un artiste qu’il découvrira complet, bien loin des études agricoles pour lesquelles la famille l’avait préparé.

Entre la voie de la terre et celle de la scène, c’est surtout le destin qui décide de la place de Muleck. Son énergie débordante, son ouverture d’esprit, son envie de se performer dans différents domaines des arts oratoires et du spectacle vivant font de lui, en quelques années, une référence du monde spectacle congolais.

En 1997, il crée ainsi la compagnie Sama, la « termitière » en langue kongo, qui a pour mission de contribuer au développement de la culture kongolaise,  et a formé plus d’une centaine d’artistes utilisant leur corps et leurs voix comme matière d’expression au Congo et sous bien d’autres cieux.

Membre du Ballet national congolais de 2004 à 2008 et du Théâtre national congolais de 2009 à nos jours, Me Muleck est aussi connu pour former les enfants de 4 à 10 ans à l’éveil corporel à l’Institut français du Congo (IFC).

Visage connu de « La marmite de Kokambala » de Guy Menga et de la pièce « Le Zulu » de Tchikaya U’Tamsi, Me Muleck a dans ses valises la création « Ntete » qui sera présentée à une date à venir à l’IFC et se veut être un pont entre le passé, le présent et l’avenir.

Mordu de travail et passionné des arts, l’âme que la percussion fait se sentir en vie, confie que « Notre père, c’est le travail. Le feu, c’est le travail. Et nous faisons tout pour les lendemains meilleurs de l’humanité ; car après Dieu, c’est l’artiste ».

Princilia Pérès

Légendes et crédits photo : 

Muleck

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