Les souvenirs de la musique congolaise : le phénomène ‘’Nguembos’’

Vendredi 10 Mars 2023 - 12:07

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Le phénomène "Nguembos" fit son apparition au lendemain de la création des orchestres au cours des années 1950, 1960 et 1970 et désigne tous ceux qui écoutent un concert à l’extérieur des bars dancing. Pour mieux profiter du spectacle qui s’y déroule, ils escaladent les murs et s’y installent. Ces badauds étaient appelés "Nguembos" ou "vampires" en français. 

Les décennies 1950, 1960 et19 70 furent marquées par la naissance de plusieurs orchestres sur les deux rives du fleuve Congo. C’est l’ère moderne de la musique congolaise, en raison des instruments occidentaux qui sont utilisés (guitares électriques, batterie…) De nombreux musiciens arrivent sur la scène musicale, entre autres, Kallé, Essous, Rosignol, Rochereau, Edo Ganga, Célestin Kouka, Franco, Vicky Longomba, etc… Une ère très importante de l’explosion musicale avec des groupes tels que African Jazz, OK Jazz, Bantous de la capitale, Negro band, African fiesta, etc… qui attirent les mélomanes tant à Brazzaville qu'à Kinshasa. Les bars ne désemplissent pas les week-ends au regard de la grande portée des événements. Les plus célèbres à Brazzaville sont Faignond, Super Jazz, Elysée bar, Macedo, Pigalle. et à Kinshasa Air France, Chez Cassien, Qwist, Mbouma Elengi, Siluvangi, Congo bar, Ok bar, etc…

A cette époque, tout le monde ne fréquente pas les bars, le cas des mineurs qui n’ont pas atteint 21 ans; l’âge de la majorité de l’époque. Les concerts ayant lieu en général en soirée. Pour bien savourer la musique et admirer leurs vedettes, certains des mineurs et adultes sans bourse choisissent d’écouter la musique à l’extérieur des bars ou perchés sur les arbres qui les surplombent. Parfois, ils escaladent les murs du bar et s’y installent pour profiter gratuitement du spectacle qui se déroule à l’intérieur. Les toits des maisons mitoyennes constituent souvent un observatoire privilégié et il n’est pas exclu que sous le poids de ceux qui s’y agglutinent, le toit ou les murs s’effondrent, provoquant des dégâts matériels et corporels.

L’histoire de la musique congolaise est riche en drames résultant de cette pratique. Lors d’un concert des Grands Maquizards en 1971 au bar Macedo, une partie du mur s’écroule sous le poids des "Nguembos", sans faire de victimes. Un drame du même genre se produisit dans ce bar au cours d’une prestation de l’orchestre le Peuple du trio Cépakos, en 1974.

De même, à Kinshasa, l’orchestre Sosoliso du trio Madjesi, au summum de sa gloire, attire des foules lors de ses prestations. Au cours d’un concert pris d’assaut par les "Nguembos", la toiture s’effondre.

Il sied de noter que les descentes surprises et musclées de la police qui luttait contre le phénomène "Nguembos" qu’elle assimilait à la délinquance juvénile étaient parfois à l’origine de ces drames. De nombreux accidents tragiques survenaient pendant la débandade des "Nguembos". Pour remédier à cette situation, les tenanciers des bars dancing, de commun accord avec les orchestres, organisaient des concerts appelés "Mâtinée" de 14 h00 à  19 h00 (sans exclure les concerts  nocturnes) pour permettre à la jeunesse d'y prendre part. Surtout pendant la période des vacances.

Les "Nguembos" faisaient parfois la ronde des bars où se produisaient les orchestres; surtout ceux habitant Poto-Poto, Moungali et Ouenzé. Ceux de Bacongo n’étaient pas du reste, Après avoir assisté à un concert de l’OK Jazz ou des Bantous chez Faignond ou à Elysée bar, ils regagnaient leurs domiciles par grappes humaines et à pied, commentant chemin faisant les péripéties qu' ils venaient d’assister.

En vue de soutenir,  promouvoir et pérenniser les œuvres de leur orchestre préféré, une catégorie des "Nguembos" a été à l’origine de la création des clubs ou comités de soutien, d’où l’existence des clubs à Brazzaville et à Kinshasa tesl Bantous, Ok Jazz, African Jazz, etc… dont les missions consistaient à apporter une assistance multiformc à tous le membres du Club et musiciens de l’orchestre, assister aux concerts, vulgariser les informations et programmes des concerts via les médias et autres canaux.

Tel a été l’apport des "Nguembos" dans l’évolution de la musique congolaise du Pool Malebo au cours des décennies 1950, 1960 et 1970.

Auguste Ken-Nkenkela

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