Cuvette-Ouest : un seul chirurgien pour Kellé-Etoumbi-Mbomo

Lundi 18 Août 2014 - 20:45

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Nkounkou Viginot Blad est l’unique chirurgien qui opère depuis deux ans dans les districts de Kellé, Mbomo et Étoumbi, trois sous-préfectures du département de la Cuvette-Ouest. Au total, c'est plus de vingt mille (20.000) habitants que ce chirurgien, diplômé de l’université de Volgograd en ex-URSS, doit gérer. Joint au téléphone par Les Dépêches de Brazzaville, il explique les difficultés auxquelles il fait face au quotidien. 

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Vous confirmez que vous êtes l’unique médecin chirurgien dans les districts de Kellé, Étoumbi et Mbomo ?

 Nkounkou Viginot Blad (NVB): Oui. Je suis officiellement affecté à Étoumbi, il y a deux (2) ans après avoir passé douze (12) années à Kellé, à 65 km. La même distance sépare également le district de Mbomo d’Étoumbi. Ce dernier a l’avantage d’être au carrefour.

LDB : Comment fonctionnez-vous ?

NVB : Mon affectation  à Étoumbi avait été ressentie comme un coup d’épée au cœur pour les populations de Kellé qui n’ont pas vu venir un autre chirurgien. Face au flux des malades qui me suivaient à Kellé et qui venaient de Mbomo, j’ai décidé volontairement de réorganiser le système de santé dans cette partie septentrionale dudit département. Pour cela, j’ai mis en place une équipe de cinq agents composés d’un laborantin, d’un anesthésiste, d’une sage-femme, d’un infirmier et de moi-même, le médecin chirurgien. Avec mon équipe, nous avons effectué une tournée dans les trois districts dans le but de répertorier les problèmes auxquels sont confrontées les populations au plan sanitaire afin de les soulager tant soit peu.

Nous avons alors élaboré un programme d’activités. Nous nous sommes engagés par exemple à faire des descentes toutes les deux semaines à Kellé et Mbomo. Au cours de ces rencontres avec les malades, nous consultons et administrons des soins aux patients qui présentent des pathologies médicales. Nous pratiquons aussi des interventions chirurgicales, si possible, et nous donnons des consignes au personnel de santé évoluant sur place. Pour les cas qui nécessitent plus d’attention de notre part, nous conduisons le malade à Étoumbi où le plateau technique est plus ou moins bien organisé.

LDB: De quels moyens disposez-vous pour accomplir ce programme ?

NVB : Nous roulons avec l’ambulance de la maternité d’Étoumbi, un don de la société Andrade. Nous avons aussi des kits de médicaments d’urgence. 

LDB : Qu’est ce qui vous a motivé à prendre une telle initiative ?

NVB : C’est le patriotisme. C’est en fait la volonté de rapprocher l’équipe médicale des malades qui pour la plupart sont démunis. Nous le faisons avec notre cœur et sans une autre forme de récompense en dehors du salaire de l’État.

LDB : Quels sont vos rapports avec le médecin de Mbomo ? Comment apprécie-t-il vos actions dans sa zone de compétence ?

NVB : Le médecin de Mbomo est une femme avec qui nous entretenons de bons rapports et on se complète. À Mbomo, nous l’associons dans toutes les opérations médicales et chirurgicales. Nous  avons, d’ailleurs, ensemble un vaste programme à réaliser dans cette sous-préfecture particulièrement. Nous avons formulé des demandes en logistique à l’endroit des cadres de cette localité. Avec un peu de motivation, nous  mettrons ce programme de santé à exécution.

LDB : Quelles sont les pathologies les plus fréquentes que vous rencontrez au plan chirurgical ?

NVB : Les cas les plus courants enregistrés sont les césariennes et les hernies. Pour les césariennes dont les traitements sont gratuits, nous ne demandons aucune contribution de la part de la patiente sauf lorsque nous sommes en rupture de kits de médicaments appropriés.  Cependant, pour les autres cas dont les hernies, les parents achètent le carburant et les médicaments.

LDB : Combien de patients par mois pouvez-vous opérer?

NVB : Cinq à six cas pour les césariennes et parfois une vingtaine de cas d’hernies. Les populations de cette partie du pays souffrent souvent de cette dernière pathologie à cause des grands travaux manuels auxquels ils se livrent tel que l’abattage des arbres.

LDB : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre métier ?

NVB : Nos difficultés sont légion. Au récurrent problème d’insuffisance de personnel, s’ajoute le manque de moyens financiers et techniques. Ce qui nous oblige à évacuer certains patients à Owando dans la Cuvette. Nous souhaitons que l’État nous dote d’un moyen roulant personnel pour que nous puissions élargir notre champ d’actions jusque dans les petits villages. Et si l’on peut aussi y  affecter d’autres chirurgiens, ce serait une bonne chose.

Propos recueillis par Eudoxie Irène Antsoha (stagiaire)