Disparition : avocat sans frontières, défenseur des « causes indéfendables », Jacques Vergès est mort

Vendredi 16 Août 2013 - 13:45

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Âgé de 88 ans, l’avocat français, l’un des plus controversés et des plus redoutés du barreau de Paris, Jacques Vergès, est mort le 15 août. Il aura défendu des auteurs de crimes très graves dans des procès médiatiques, notamment le chef de la Gestapo, le nazi Klaus Barbie, le révolutionnaire Carlos ou le Khmer rouge Khieu Samphan, les membres des mouvements d'extrême-gauche européens (Fraction armée rouge, Action directe), les activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, le dictateur serbe Slobodan Milosevic, etc.

Jacques Vergès a aussi été le défenseur de plusieurs dirigeants africains. Ses dernières grandes sorties médiatiques furent en Afrique, où il était disposé à défendre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et avait amorcé la défense de l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, attaquant la France sous « l’angle colonial, voire néocolonial », passant pour « le défenseur des faibles », comme ce fut le cas du jardinier marocain Omar Raddad. Anticolonialiste, il aura aussi défendu les membres du Front de libération nationale algérien.

Jacques Vergès aurait fait une chute il y a quelques mois et avait des difficultés à parler, mais il avait conservé toutes ses capacités intellectuelles.

Courageux, indépendant, doté d’une grande culture, mais narcissique, provocateur, talentueux, excellent contradicteur, très bon orateur, Jacques Vergès a défendu parfois des causes perdues, mais toujours dans le respect de l’autre. Le président Christian Charnière-Bournazel a résumé la vie professionnelle de Jacques Vergès en ces termes : « Un avocat, ce n’est pas un mercenaire, c’est un chevalier, et Jacques Vergès était un chevalier. Un très grand avocat, un avocat courageux qui s’investissait totalement dans la défense et qui avait un immense talent. » Il a aussi été un romancier  – il a publié une vingtaine de livres – et un homme de théâtre – il a monté un plaidoyer intitulé Serial Plaideur.

La vie de Jacques Vergès, surnommé l’avocat de la terreur ou le salaud lumineux, est un roman : il était né au Cambodge en 1925 d’un père français de la Réunion et d’une mère vietnamienne. Son père fut député et son frère jumeau, Paul Vergès, le créateur du Parti communiste réunionnais. Il s’inscrira lui-même au Parti communiste français et deviendra président de l’Association des étudiants coloniaux et rencontrera Pol Pot, le futur Khmer rouge. Il quittera le PCF en 1957. Il épousera  en 1963, en secondes noces, une militante du FNL, Djamila Bouhired, poseuse de bombes qu’il sauva de la peine de mort.

Controversé, Jacques Vergès disait que « les poseurs de bombes sont des poseurs de questions ». Retenons pour sa mémoire cette phrase de lui : « Je ne suis pas l’avocat de la terreur, mais l’avocat des terroristes. Hippocrate disait : je ne soigne pas la maladie, je soigne le malade. C’est pour vous dire que je ne défends pas le crime mais la personne qui l’a commis. »

Noël Ndong