Marie-Léontine Tsibinda : « Je suis en résidence au Canada pour une œuvre nouvelle »

Samedi 24 Août 2013 - 10:05

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Personnalité incontournable de la littérature, Marie-Léontine Tsibinda-Bilombo a été couronnée par le Prix national de poésie en 1981 et par celui de l’Uneso-Aschberg pour sa nouvelle Les Pagnes mouillés en 1996. À l’occasion de la rentrée littéraire, notre édition du samedi ouvre ses colonnes à l’ancienne pensionnaire de Rocado Zulu trois mois après la célébration de la mémoire de Sony Labou Tansi à la Librairie-Galerie Congo à Paris

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo, ancienne pensionnaire de Rocado Zulu aux côtés de Sony Labou Tansi de 1979 à 1987Les Dépêches de Brazzaville : Depuis 1999, où se trouve la femme à laquelle vous avez fait allusion lors du colloque de 1993, « L’itinéraire d’une femme dans la forêt des hommes de lettres » ?

Marie-Léontine Tsibinda-Bilombo (MLTB) : Comme vous pouvez le constater, le temps a filé et la première femme dans la forêt des hommes de lettres a eu des émules dans le sens où le chemin tracé a été suivi par d’autres plumes féminines. Et je salue toutes ces femmes qui sont entrées dans Le Bal de Ndinga pour danser La Rumba fantastique avec Chaïdana dans La Vie et demie. « Le coup partit et l’arbre fut un chant », comme le dit si joliment Jean-Baptiste Tati-Loutard. Je tire mon biyaoula à Jean Malonga, le père de notre littérature. Je parle du Congo-Brazzaville, bien entendu, avec son roman La Légende de Mfoumou Ma Mazono, publié il y a 60 ans ! Un roman du terroir qui a eu la réponse de la bergère par un symbole poétique des Poèmes de la terre (1980), qui lui-même répondait au souffle des Poèmes de la mer de Jean-Baptiste Tati-Loutard. Depuis 1980 et jusqu’à ce jour, les femmes congolaises ont confirmé par leur présence, prix ou autres distinctions, la noblesse de la littérature congolaise, mais aussi la noblesse dans les autres domaines de la création congolaise. Les feuilles littéraires ont porté haut le flambeau de ce Congo niché au cœur de l’Afrique équatoriale.

LDB : Depuis le Canada, en évoquant toutes ces références littéraires, le Congo vous manque-t-il et vous sentez-vous aujourd’hui un écrivain en exil ?

MLTB : Je n’ai de meilleure réponse qu’à travers ces beaux vers de Lamartine : « Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ? / Dans son brillant exil mon cœur en a frémi / Il résonne au loin dans mon âme attendrie / Comme les pas connus ou la voix d’un ami…  »

LDB : Quel regard portez-vous sur l’actualité de la littérature et du théâtre aujourd’hui ?

MLTB : La création culturelle, littéraire ou autre, est en plein essor. Non seulement les talents continuent d’éclater comme des raisins au soleil, mais l’outil électronique accompagne avec succès cette éclosion. Aujourd’hui plus que jamais le livre vit : il est feuille enchantée, surtout pour la littérature enfantine, il est tablette, il est audiovisuel. Les librairies et les bibliothèques croulent sous de nouvelles publications, et c’est merveilleux. La forêt mondiale des hommes de lettres est une forêt dense, épanouie, où tous les genres se répondent, se frottent, se murmurent, se chuchotent, s’embrassent parfaitement. Les pages des livres sont des milliers de rayons de soleil qui illuminent nos vies. Aujourd’hui tout se fait en un clic, même l’Africain qui n’est pas encore au top de la conquête électronique peut découvrir ce qui se passe chez le voisin américain, australien ou asiatique. Des avancées qui n’existaient pas il y a 60 ans ! Le livre nous suit partout. Les thèmes demeurent les mêmes : la convoitise, la religion, le pouvoir, l’argent, la frénésie de magasiner le plus possible, d’écraser le plus grand nombre pour arriver au sommet et y demeurer, et le sexe souvent confondu malheureusement avec l’amour. Un cocktail explosif bâti avec l’avancée des nouvelles technologies et l’intelligence de l’homme qui demeure le centre de toute cette belle création. Un robot n’est intelligent que parce que l’homme lui donne cette intelligence.

LDB : Quelle intelligence s’est établie entre Marilena Lica-Masala, auteur de deux anthologies bilingues consacrées à la poésie congolaise et roumaine, et vous ?

MLTB : La rencontre avec Marilena est une belle rencontre virtuelle. J’espère qu’elle sera réelle un jour. Elle s’est faite à partir de Rabat où je séjournais en 2011. C’est le poète Bilombo-Samba qui l’a mise sur mon chemin. Marilena et les poètes congolais avaient le projet de monter une anthologie de poésie. J’ai écrit les mots d’introduction. Non seulement il y a eu un premier tome, mais le deuxième tome a vu le jour en 2013 et a été présenté au Salon du livre de Paris en présence de Marilena, de Bilombo-Samba et d’autres poètes congolais et roumains. Les poètes des deux fleuves, Congo et Danube, ont livré au monde les plus belles pages de leur création littéraire. La création de l’esprit demeure la magnifique lumière qui atténue les effets dévastateurs des tsunamis, visibles ou invisibles, dans le monde des humains. La création de l’esprit unit plus qu’elle ne divise.

LDB : Quand comptez-vous renouer avec vos lecteurs ?

MLTB : Attendons la rentrée de septembre. Je suis en résidence pour une œuvre nouvelle. C’est une pièce de théâtre, un rêve, un plaidoyer pour un monde sans violence au cœur de la vie de la femme. J’ai eu le bonheur de communiquer avec le dramaturge Guy Menga qui a accepté de relire la pièce et d’en écrire la préface. J’invite les lecteurs à patienter jusqu’à la rentrée.

Marie-Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Marie-Léontine Tsibinda-Bilombo. (© DR)