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La mode est-elle trop blanche ?

Samedi 5 Octobre 2013 - 10:00

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Quatre fois par an, la planète mode fourmille dans les grandes villes à l'occasion de cette folle semaine qu'est la Fashion Week. Les monuments et lieux publics sont pris d'assaut par les créateurs, les clubs se privatisent pour accueillir des after parties, et les mannequins du monde entier côtoient les badauds. Du monde entier ou presque...

Le 10 septembre, Bethann Hardison, ex-top model, directrice d'agence de mannequins et fondactrice de la Diversity Coalition a signé une lettre ouverte adressée aux fédérations de mode d'Angleterre, de France, d'Italie et des États-Unis. Avec Naomi Campbell et Iman Amulbajid, elles se présentent comme porte-parole pour dénoncer l'absence évidente de diversité dans les défilés. Les coupables ? Marc Jacobs, Oscar de la Renta, Jil Sanders, Balanciaga, Chanel, Louis Vuitton, Hermès et la liste est longue. En somme, les plus grandes maisons du monde entier.

Ne faire défiler que « des mannequins blancs est incompatible avec les caractéristique d'une société moderne », estiment les trois femmes, « peu importe les intentions, c'est du racisme ». Lors d'une interview accordé au quotidien francais Le Monde, Bethan Hardison poursuit son analyse et se désole : « Aujourd'hui, lorsqu'on regarde les défilés, on ne voit qu'un type de beauté, très occidentalisé, très limité géographiquement. C'est dommage de se priver de la richesse du monde. »

Quelques chiffres : le site américain Jezebel a reporté les tendances des Fashion Weeks new-yorkaises de ces cinq dernières années. En moyenne, les mannequins caucasiens défilent à 82,6%, les blacks sont 7,9%, les Asiatiques représentés à 7,4% (chiffre en nette progression), tandis que les beautés latinos stagnent sous la barre des 2% .

Didier Grumbach, le président de la Chambre syndicale de Paris, interprète l'accusation à contresens et se défend mollement auprès de l'AFP : « Nous avons 100 défilés de 22 nationalités différentes. Je ne vois vraiment pas comment on pourrait être taxé de racisme », déclare-t-il avant de poursuivre en évoquant des périodes où « les plus beaux mannequins étaient noirs [...] Il y a des périodes où on est plus européens. » Si l'Hexagone ne se sent visiblement pas concerné par la polémique, les États-Unis se disent prêts à réagir. Ainsi, le président du Council of Fashion Designers of America (CFDA), Steven Kolb, et sa collègue Diane Von Furstenberg souhaitent s'entretenir avec Bethann Hardison pour discuter du problème. Les deux personnalités assurent également avoir envoyé des courriers aux membres du CFDA pour encourager la diversité. En attendant des résultats visibles, Iman Amulbajid appelle purement et simplement au boycott des créateurs qui refusent encore de puiser dans la diversité.

Anorexie, racisme, misogynie, maltraitance des animaux, luxure, exploitation humaine... la haute-couture, qui décidement fait plus parler d'elle pour ses frasques que pour sa fonction artistique, accumule les scandales au nom de l'esthétisme. On se souvient d'un numéro du magazine de référence Vogue paru en 2010, et suivi par d'autres médias, qui mettait en scène des mannequins blancs maquillés de noir. Un exemple parmi d'autres qui laisse perplexe. Pourquoi mettre en scène le continent africain sans le faire participer ? La mode, qui se veut pourtant avant-gardiste, a encore d'immenses progrès à faire en matière d'éthique.

Morgane de Capèle