Vatican : le pape et l’Afrique centrale

Dimanche 8 Décembre 2013 - 11:31

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Le cœur du continent gagne en importance stratégique, y compris au sein de l’Église catholique

C’est une donnée fondamentale : le pape François, arrivé à la papauté il y a tout juste dix mois, se forge son idée sur la présence et l’influence de l’Église catholique en Afrique en abordant le continent par son centre. Jusqu’ici, en effet, le souverain pontife a continué d’accorder ses audiences indiscriminées aux diverses personnalités du monde. Il n’a effectué qu’un seul voyage international, en Amérique latine, son continent d'origine, en juillet dernier pour les Journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro, au Brésil.

Mais on tient communément pour acquis que le pape actuel n’a eu de contact avec l’Afrique que dans les généralités qu’il en a connues du temps où il était archevêque de Buenos Aires, en Argentine. Son contact le plus direct avec ce continent se fait donc depuis son élection, en février dernier. Des officiels africains sont venus en nombre à la cérémonie de son installation, le 19 mars. Que la presse occidentale ne se soit appesantie que sur la poignée de main avec le président Gabriel-Robert Mugabe ne rend pas justice au souci du souverain pontife de parler de tout à tous, d’appeler les jeunes et les vieilles nations de chrétienté à se soucier de la paix, à combattre la pauvreté.

L’Afrique centrale est le côté par lequel le pape amorce cette exploration africaine. Non seulement, il a décidé de faire agir sa diplomatie dans un pays comme la République centrafricaine par l’action d’un nonce apostolique africain, Mgr Jude Okolo, mais encore c’est un cardinal éminent de la sous-région qui fait partie de ses proches conseillers. Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa, fait en effet partie de la commission des huit cardinaux que le pape François a formée pour l’aider à réfléchir aux réformes urgentes dans l’Église, une mission dont on voit l’importance essentielle pour le futur de la chrétienté .

En plus, parmi les États africains qui ont décidé de nouer des rapports de coopération avec le Vatican, le dernier à le faire est bien le Tchad. Il s’ajoute au Gabon alors que les discussions avec le Cameroun sont en bonne voie. Le président Paul Biya est d’ailleurs le tout-premier chef d’État africain reçu par le pape (18 octobre). Une semaine plus tard, le 25 octobre, c’était au tour d’un autre haut dirigeant de la sous-région, le président Obiang Nguema Mbasog, de Guinée équatoriale. Dans l’intervalle, le pape avait également accordé une audience à l’épouse du président Kabila de la République démocratique du Congo.

Sa rencontre avec le président Denis Sassou N’Guesso, ce lundi 9 décembre, tend donc à conforter et compléter cette connaissance de l’Afrique. C’est la première rencontre entre deux hommes animés par le souci de paix sur un continent qui donne les signes d’une effervescence dans laquelle les politiques ont du mal à ne pas voir surgir les religions. La Libye vient de réaffirmer que la loi islamique, la sharia, sera la principale source de sa constitution à venir. La Tunisie et l'Égypte ne font pas mystère d’une telle tentation. La guerre du Mali, au début de cette année, avait, elle, une forte connotation islamiste, même si teintée de revendications autonomistes.

L’onde de choc de ces velléités religieuses commence à frapper aux portes et au cœur de l’Afrique. L’activisme de Boko Haram a du mal à ne pas franchir la frontière avec le Cameroun où, par deux fois déjà cette année, des expatriés chrétiens ont été enlevés et conduits de force dans les sanctuaires islamistes de Maiduguri, au Nord-Nigeria. Quant à la République centrafricaine, pays dont la coexistence des communautés est aujourd’hui en danger, les violences que vont y freiner les troupes française et les militaires congolais de la Mica ne cachent plus que difficilement leur fond d’antagonisme religieux.

Ces chantiers sont autant de domaines sur lesquels le président Denis Sassou N’Guesso et le pape François ne peuvent trouver qu’un terrain complémentaire entente. Tous deux ont réaffirmé ces jours-ci à diverses tribunes leur souci de voir les religions et les communautés ethniques continuer à de coexister dans la longue tradition pacifique qui a été la leur jusqu’ici en Afrique centrale et sur l’ensemble du continent.

Lucien Mpama