Interview. Hamed Pryslay Koutawa :" Le métier d'auteur de bande dessinée est difficile en Afrique »

Jeudi 8 Novembre 2018 - 20:35

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Si la virtuose de l'art du crayon et de l 'imagination consiste à rendre une vision optique ou virtuelle réelle, être dessinateur chevronné demande par contre plus de subtilité dans le rendu parfait d'un croquis sur une bande dessinée (BD). Car non seulement qu’il faut imaginer le scénario mais inventer les personnages et le dialogue reste de mise, enfin en broder une oeuvre d 'art. Hamed Pryslay Katouwa, dessinateur chevronné de BD, nous fait part de son cheminement vers le neuvième art .

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B): Nos lecteurs peuvent-ils vous connaître ?

Hamed Pryslay Katouwa (H.P.K.): Je suis dessinateur professionnel vivant en Europe, originaire de la  République du Congo.

L.D.B.: Depuis quand dessinez-vous?

H.P.K: Je dessine depuis que je suis très jeune et j'ai commencé à m'intéresser très tôt aux  BD (Akim, Bleck le roc, Zembla, etc..) et très vite, je me suis mis à dessiner ce que je voyais. Vers 6-7ans, quand j'ai voulu raconter mes propres histoires, je me suis naturellement tourné vers le dessin et la BD.

L.D.B.: Racontez-nous votre parcours.

HPK: En 1995, après mon échec au BEPC, je me suis inscrit à l'Ecole de peinture de Poto-Poto de Brazzaville. Le cycle était de trois ans mais je n'ai fait que deux car ma troisième année a coïncidé avec les événements de juin 1997. Ainsi, en 1998, j'ai dû repasser le BEPC en candidat libre pour reprendre ma scolarité. En début 2000,  j'ai quitté la capitale pour Pointe-Noire, après un bref passage à l'académie militaire Marien-Ngouabi. Par pur hasard, en octobre 2007, je présente mon travail (un carnet dans lequel j'avais restitué à l'aide d'un simple stylo bille le déroulement des événements sanglants de 1992 à 1997 à Brazzaville auquel je fus témoin ) au Centre culturel français de Pointe-Noire, alors qu'un atelier sur la BD y est en cours. Grâce à mon talent et ma technique très peu conventionnelle qui confère un charme tout particulier à mon travail, je bénéficie d'un passe-droit et intègre l'atelier animé par le professionnel Kinois Asimba Bathy.

L'expérience est renouvelée à deux reprises en 2008. Les membres de l'atelier se regroupent en collectif sous le nom de"Ponton BD". En juin 2008, mes participations aux expositions "Les dessous de Pointe-Noire" et en septembre de la même année pour l'exposition "Carte blanche à Ponton BD et Asimba Bathy", organisées au Centre culturel français, sont particulièrement remarquées. C'est suite à ces expositions dont les planches ont été publiées sur le site "Congo page" que j'ai été contacté par Jean Yves Brochec, un expatrié français, rédacteur en chef à l'époque du trimestriel "Pointe-Noire Magazine" et par Christophe Cassiau-Haurie qui dirige la collection le Harmattan BD.

L.D.B.: Que représente le dessin pour vous et d'où tirez-vous votre inspiration?

H.P.K.:  Le dessin représente ma vie. Je lui dois beaucoup. Sans le dessin, je ne serai certainement pas là où je me trouve. Quant à mon inspiration, je la tire du quotidien, des faits vécus. Il faut aussi s'informer surtout par la lecture pour nourrir son inspiration.

L.D.B.: A combien des publications êtes-vous?

H.P.K.: J'ai participé à deux albums collectifs:"Chroniques de Brazzaville" et "Nouvelles d'Afrique" et j'ai trois BD en solo à mon actif :" Le chemin de si je savais", "Le sida" et " Les dessous de Pointe-Noire".

L.D.B.: Parlez-nous des dessous de Pointe-Noire. 

H.P.K: "Les dessous de Pointe-Noire" est un projet qui date en réalité de 2015. Je dois le synopsis à Jean Yves Brochec et sa compagne Laïcha Bakoula. Il relate les déboires de deux jeunes  

femmes qui, comme ailleurs en Afrique, cherchent à quitter le Congo-Brazzaville en séduisant des Européens.

L.D.B.: Pourquoi le choix particulier de la ville de Pointe-Noire et pas une autre du Congo ?

H.P. K.: Pointe-Noire a été ma ville adoptive de 2000 à 2016. C'est là-bas où j'ai beaucoup découvert et appris à connaître réellement ce que la vie comporte comme de hauts et de bas.

L.D.B.: Quel est votre tout  premier dessin ?

 H.P.K. : Je ne peux pas m'en souvenir car aussi loin que je peux me projeter en arrière, même dans mon enfance, j'ai toujours dessiné.

L.D.B.: Un artiste peut-il bien évoluer en Afrique avec ce métier?

H.P.K.: Le métier d'auteur de BD, comme tous les autres métiers liés à l'art, sur le sol africain, a des multiples difficultés qui freinent sont développement et surtout son éclosion en tant qu'art et média à part entière. Il s'agit, entre autres, du manque de formation des artistes, de maisons d'édition spécialisées et de distribution, de l'absence de structure de promotion du livre en tant que produit de consommation et de la diffusion de la culture. Mais ces difficultés n'ont pas empêché le neuvième art de connaître une certaine vitalité en Afrique.

L.D.B. :Un Mot de la fin

H.P.K. : Comme tout métier artistique, ce n'est jamais un long fleuve tranquille. Si l'on cherche la facilité, il vaut mieux s'orienter vers autre chose ! Nonobstant, c’est un métier magnifique. 

 

Karime Yunduka

Légendes et crédits photo : 

Hamed Pryslay Koutawa

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