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Cuvette ouest : ne sacrifions pas l’avenir de nos enfants !

Lundi 27 Mai 2019 - 12:45

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Intéressé par les questions qui touchent à la culture, nous avons été particulièrement frappé par la situation dramatique des enfants scolarisés en province, abandonnés à eux-mêmes. Nous ne prétendons point faire de la politique, encore moins de la polémique, mais alerter l’opinion publique, en tant que citoyen congolais, soucieux de l’avenir de notre nation sur le problème de l’éducation à l’intérieur du pays, où nous sommes appelé à servir la République. La culture et de prime abord l’éducation est le fondement de tout développement. C’est notre foi ferme et notre conviction profonde. Tous les grands pays, développés ou émergents, sont avant tout des pays de grande culture, qui investissent considérablement dans l’éducation, mais l’éducation de qualité, donnant ainsi la primauté à l’humain.

Le Congo est un pays principalement jeune. La province a une jeunesse belle et résiliente, qui ne demande qu’à recevoir une bonne instruction et un peu de pain, pour se réaliser pleinement. Combien de fois il nous a été donné de voir, avec admiration et fierté, des myriades d’écoliers d’une certaine maigreur, qui parcourent plusieurs kilomètres chaque jour, afin d’aller étudier ? Et nous savons qu’ils ne mangent pas toujours à leur faim (cette carence pouvant expliquer la non-scolarisation de plusieurs enfants, qui décrochent). Ces élèves dignes et courageux, par ce simple geste de longue marche quotidienne, souvent le ventre vide, prouvent qu’ils ont la soif d’apprendre, la volonté de réussir et de former leur personnalité. Pourvu qu’on les aide, en luttant contre la malnutrition.

Notre grande amertume tient précisément au fait que beaucoup d’instituteurs, chargés de transmettre le savoir à ces enfants, n’ont pas la formation requise, les compétences nécessaires et le sens des responsabilités. Certains d’entre eux (même des directeurs d’établissements, avions-nous constaté) ont de réels problèmes à s’exprimer aisément en français et à écrire correctement. Il convient aussi de relever l’absentéisme de quelques encadreurs, qui préfèrent entreprendre des activités parallèles, dans leurs lieux d’affectation ou en dehors, plutôt que d’enseigner, alors qu’il y a insuffisance du personnel enseignant. Conséquence : les élèves ont dans leur majorité un niveau faible ; de véritables difficultés à raisonner juste en science, à parler, à lire et à écrire couramment. Ces éducateurs sont-ils réellement passés par l’Ecole normale des instituteurs ou l’Ecole normale supérieure pour étudier la pédagogie ? Comment, en pareilles conditions, dispenser un enseignement de qualité aux enfants et bien préparer leur futur ? L’école primaire est la base et une formation élémentaire mal conduite a des effets préjudiciables pour l’évolution normale de jeunes apprenants. Pis encore, la non-intégration de certains enfants en difficulté dans le système éducatif aggrave la situation. L’enseignement, tout comme la magistrature, est un sacerdoce : l’enseignant est un conducteur des esprits, un guide qui élève aux lumières ; un médecin qui guérit de l’ignorance, donne aux jeunes apprenants les outils, les ressources et les compétences essentiels pour bâtir leur avenir. Noble et beau métier auquel il faut redonner de la valeur et de la rigueur.

Les responsables politiques et toutes les personnes de bonne volonté sont appelés à l’union des efforts et à l’action, afin de sauver les enfants scolarisés en province de l’ombre, de l’obscurantisme et de la faim. Les élèves ont grand besoin des établissements d’excellence ; d’un véritable apprentissage, au primaire et au secondaire, avec des formateurs qualifiés et responsables. Il y a nécessité que les pédagogues bénéficient régulièrement de formations continues : recyclages, séminaires… ; que des inspecteurs contrôlent permanemment ceux-ci et, le cas échéant, proposent des sanctions à leur encontre, à la hiérarchie, suivies d’effets. Il y a urgence de recruter des enseignants, afin de résorber le déficit en province. Il est de haute importance de construire des écoles ainsi que des bibliothèques, pourvues d’un équipement moderne et d’une riche documentation, à l’usage des professeurs et élèves, dans chaque district. Il est capital d’instaurer des cantines scolaires, afin de permettre aux jeunes d’apprendre le ventre plein et en bonne forme. Mais il faut avant tout mettre les enfants dans de bonnes dispositions d’étude, en leur fournissant l’électricité et l’eau courante. Les gouvernants devraient, en outre, veiller à l’accès effectif des enfants en difficulté à la scolarisation obligatoire, garantie par la Constitution ; mettre en œuvre des politiques d’apprentissage et d’entrepreneuriat, en faveur des jeunes, qui n’ont pas bénéficié d’une formation scolaire classique, afin qu’ils acquièrent des qualifications.

Il importe surtout de révolutionner globalement notre système éducatif, vestige de l’héritage colonial ; d’imaginer des solutions audacieuses, cohérentes et réalistes, de créer de nouveaux modèles d’instruction efficaces et adaptés à notre époque, à nos besoins et aux attentes du marché de l’emploi. Les nouvelles technologies, l’entrepreneuriat, ainsi que le développement durable sont, par exemple, de bonnes pistes à explorer. Il revient à nos décideurs de comprendre que l’école doit avoir pour préoccupation les savoirs pratiques et former aux métiers d’aujourd’hui et de l’avenir. Obtenir simplement un diplôme ne suffit plus. Nous devons, partant, relever le défi de la créativité, de l’inventivité et de l’innovation, en investissant dans le capital humain, notre plus grande richesse, en vue de la croissance inclusive. Surtout répondre aux enjeux de la mondialisation et de la globalisation, dans un monde en compétitivité et en mutation permanentes.

L’avenir de la nation est dans sa jeunesse, mais une jeunesse éclairée, saine et responsable. Donnons-lui les conditions propices à son épanouissement intellectuel, physique et à son développement culturel. Replaçons la qualité et le mérite au cœur de l’éducation. La jeune génération nous le rendra bien, en faisant du Congo un pays des lumières et de progrès, par le travail et l’unité. Dieu bénisse le Congo !

 

Kelly D.H. Mowendabeka, président du Tribunal d'instance d'Okoyo

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