AfricaMuseum : les jeunes visiteurs se sentent concernés par l’histoire coloniale

Jeudi 19 Décembre 2019 - 22:05

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De manière régulière, les visites organisées par les écoles au musée de Tervuren viennent en complément au cours d’histoire. Les élèves qu’ils accompagnent réagissent diversement mais s’insurgent tous contre les dérives de la colonisation.

François Makanga et les élèves face aux sculptures représentant les noirs Pour le guide François Makanga, le contenu du musée représente « une matière dense où se fait beaucoup d’apprentissage ». Habitué à faire découvrir l’AfricaMuseum aux élèves qui font partie du public diversifié qu’il accueille depuis un an, il a la certitude que ces derniers en apprennent beaucoup.

D’expérience, il rapporte aux Dépêches du Bassin du Congo qu’il lui arrive d’observer « un contre coup émotionnel, notamment du côté des Belges d’origine africaine à partir de la description du lieu ». Et de confier : «  Vu de Belgique, cela pourrait être la cause de la cristallisation, la création du racisme structurel ».

Le guide afro-descendant trouve légitime que plusieurs Congolais aient du mal face aux représentations des statues. «  Au moment de la visite, ils comprennent qu’il existe des lieux où a été légitimée une certaine catégorisation du monde. C’est une chose qu’un jeune a du mal à se représenter en 2019. Pourtant, c’est une réalité que l’on tente de leur transmettre. Cela cause de la stupeur chez certains Congolais, mais dans tous les cas, le musée leur offre de nouvelles clés de compréhension du monde. Ils en cernent d’autres contours, comment les systèmes économiques fonctionnent entre les nations, ils réalisent que cela a ses origines, vient de quelque part, l’AfricaMuseum le montre et le démontre », explique-t-il.

Alex, un élève rencontré à la fin de l’atelier d’histoire animé par la guide Claire Poinas affirme : « J’ai trouvé que c’était une très belle visite. Au début, nous avons fait un récapitulatif général et puis avons fait un focus sur la partie colonisation. Vu que l’on est en Belgique et que je suis Belge, je me suis senti concerné. C’est un sujet qui me touche, je suis intéressé, j’ai donné mon avis, dit ce que je pensais ». Par ailleurs,  souligne encore l’élève en terminale d’école secondaire : « Nous avons étudié la colonisation à l’école, le sujet a été abordé en général, nous n’avons pas vu spécifiquement celle du Congo ou de la Belgique au Congo. Maintenant que j’en sais plus, je peux dire que je sais ce qui s’y est passé et je le retiens ». Claire Poinas animant l'atelier d'histoire

Partagé

En outre, Alex a dit combien il restait néanmoins partagé quant au jugement à émettre face à la colonisation. « Personnellement, je suis un peu des deux côtés : d’une part, tout ce qui s’est passé humainement est horrible, la race noire a été totalement dénigrée au Congo, je suis totalement contre. La stratégie à la base c’était de s’enrichir, le faire sur le dos des autres ce n’est pas charmant, on le voit encore dans notre monde actuel où tout le monde veut s’enrichir, je peux le comprendre mais l’on aurait pu y mettre les formes. Mais je crois que ce devait être compliqué d’y mettre les formes à cette échelle-là. D’autre part, cela a permis à l’histoire d’avancer d’une certaine façon. Peut-être que si l’on n’avait pas eu cette colonisation, nous ne serions pas où nous sommes aujourd’hui. Elle a eu un impact dans l’histoire, sinon nous n’aurions pas eu ce musée », pense-t-il.

Abominable

Pour Imane Essamhi, élève d’une école de Charleroi, l’histoire racontée au musée n’est pas méconnue. Néanmoins, en rapport avec le commerce illicite des minerais riches dont regorge le sous-sol congolais, elle a soutenu : «  le viol massif des femmes obligées de quitter leurs villages, c’est horrible, je ne peux pas le supporter ». La visite a touché l’âme de la militante des droits humains qu’est la jeune élève de 18 ans. Ainsi, évoquant l’épisode de la colonisation, elle a affirmé : « J’ai trouvé abominable l’histoire de la récolte du caoutchouc. Le fait que l’on coupait les mains des hommes est inadmissible juste parce que l’on n’était pas content de leur rendement ». Son sentiment de révolte va au-delà de la dramatique histoire de la colonisation du Congo. « Les guerres dans le monde, que ce soit au Congo, en Palestine ou en Syrie, ce sont des causes qui me tiennent à cœur. J’essaie de faire en sorte d’y apporter mon soutien », a-t-elle ajouté.Les élèves exprimant par écrit leur ressenti sur la colonisation à la fin de l’atelier d’histoire

Les adolescents qui se font leur propre opinion engagent certaines fois des discussions personnelles avec les guides, comme le confirme  François Makanga. « Il arrive, dans les meilleurs des cas, que certains élèves rebondissent sur certains points et abordent les guides pour des discussions en aparté pendant et après la visite », a-t-il dit. Bien enthousiaste, le guide poursuit alors : « Dans ce cas, c’est chouette et le professeur continue en classe dans le cadre du cours. C’est intéressant dans la mesure où cela permet de sortir d’une certaine méconnaissance ».

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : François Makanga et les élèves face aux sculptures représentant les noirs Photo 2 : Claire Poinas animant l'atelier d'histoire Photo 3 : Les élèves exprimant par écrit leur ressenti sur la colonisation à la fin de l’atelier d’histoire

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