60 ans d’indépendance : le cinéma congolais reprend du souffle

Vendredi 14 Août 2020 - 13:15

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Après avoir connu des années de gloire avec des cinéastes ayant porté haut son chandelier, le 7e art congolais qui était en perte de vitesse, durant plusieurs décennies, semble prendre un nouvel élan. Un regain d’énergie et de volonté qui laisse présager des lendemains meilleurs pour ce secteur culturel.

Suite à un départ plutôt louable du cinéma congolais dans les années 1960-1970, avec des réalisateurs comme Sébastien Kamba (Kaka yo en 1965) et Jean-Michel Tchissoukou (La chapelle en 1979), le secteur a sombré dans un coma artificiel. Vingt ans après l’indépendance du pays, l’industrie s’effrite et une atmosphère morose se répand sur la chaîne de production, de distribution et de diffusion des films.

« A ce tableau, il faut également ajouter la sphère politique en effervescence, la bêtise humaine et la folie meurtrière des uns et des autres pendant les décennies suivantes qui ont contribué à perpétuer des conditions défavorables à l’essor du cinéma congolais », avait souligné Ferréol Gassackys, dans une chronique publiée, l’an dernier, dans les colonnes du journal Les Dépêches de Brazzaville.

Pourtant, ce mauvais vent n’a pas empêché l’apparition de certains réalisateurs déterminés à produire leurs films : Léandre-Alain Baker, Ferdinand Batsimba Bath, Camille Mouyeke, David-Pierre Fila, etc. Une audace qui n’a, hélas, pas perduré longtemps.

Jusqu’à la veille des années 2010, le Congo a connu une déserte significative en matière de production cinématographique. Le manque de salles de cinéma, l’absence d’aide financière étatique pour accompagner les productions, la politique quasi inexistante de promotion du secteur, sont entre autres les raisons qui empêchent au 7e art congolais, plusieurs décennies après l’indépendance, de se développer tant sur le plan national, qu’international.

Comme l’a dit le cinéaste Rufin Mbou, « le cinéma congolais est agonisant car il a longtemps souffert d’un manque criard de soutien et de professionnalisme. Cependant une forte envie d'exister se dégage au sein de la jeune génération et même de certains anciens. Le cinéma congolais a eu 50 ans il y a dix ans, mais sa production totale de 1965 à 2010, ne représentait même pas celle d'une année dans certains pays. C'est dire que c'est grave ».

Le cinéma congolais renaît de ses cendres

Le décor du cinéma congolais est assez tragique, certes, mais il n’est pas tardif pour faire bouger les lignes. En effet, une nouvelle vague de cinéastes, toutes professions confondues, s’emploie depuis une dizaine d’années avec ardeur à redonner un coup de pouce à ce secteur riche et pluriel, bien que longtemps abandonné à son triste sort. Parmi eux, on cite : Amour Sauveur, Rufin Mbou Mikima, Nadège Batou, Claudia Haidara Yoka, Richi Mbebele, Michael Gandoh, Glad Among Lemra, Liesbeth Mabiala, Divana Cate Radiamick, Rodrigue Ngolo, Sorel Boulingui, Massein Pethas, Cleyde Ntari, Albe Diaho, etc.

Si une certaine volonté semblait faire défaut, il n’est plus à douter qu’aujourd’hui, acteurs et décideurs culturels affichent un peu plus d’optimisme et de résolution pour pousser plus loin le secteur cinématographique. Ici et là, ont fleuri des idées qui ont notamment engendré plusieurs projets fédérateurs, festivals et soirées de distinction tels que : Tozali, Tazama, Festival des films congolais, La Pointe-Noire et Kamba’s Awards.

Au regard de l’enthousiasme que ces initiatives procurent aux amateurs et artistes confirmés de cinéma, les efforts sont davantage à multiplier pour que le secteur rayonne tant au niveau national que mondial.

Donner un sacré coup de pouce au cinéma congolais

Il n’est plus à démontrer que le Congo regorge énormément de talents en matière de cinématographie comme en témoignent les récentes sorties qui font l’unanimité auprès des cinéphiles et les différents prix raflés, tant sur le plan national qu’international. « L'après Tozali, collectif des jeunes cinéastes et amateurs qui réalisa plusieurs courts métrages en 2014, a contribué à cet engouement. Cela laisse présager un avenir meilleur dans la mesure où tous les acteurs de cet art y mettent du sérieux et construisent une volonté de travail collective, loin de leurs rivalités exécrables », en pense Glad Among Lemra, réalisateur et écrivain congolais résidant à l’étranger.

En 60 ans d’existence où le bilan du cinéma au Congo attriste plus qu’il ne réjouit, il est plus que temps de recréer les conditions pour que ces talents s’expriment à foison et qu’ils puissent réellement vivre de leur art. Sinon, cette volonté de bâtir pourra se réorienter vers d’autres secteurs, pire pour d’autres pays.

Améliorer les conditions passe nécessairement par la formation, la promotion, la diffusion et la redistribution équitable des richesses générées par le secteur. En tant que partenaire public, l’Etat devra fournir plus d’efforts pour valoriser significativement la profession. Comme en témoigne Sébastien Kamba, pionnier du cinéma congolais, « j’ai commencé à faire des films en 1965 et lorsque je vois ce qui se fait aujourd’hui, je suis confiant. Ces jeunes se battent et le cinéma congolais existe grâce à eux. Je déplore le fait que l’État ne les accompagne pas suffisamment alors que ces derniers ont besoin de lui ».

Le doyen du secteur au Congo fustige également le comportement de certains médias qui pour diffuser les productions cinématographiques nationales exigent des frais aux réalisateurs. « Je le dis haut et fort, ces chaines demandent de l’argent, avant la diffusion. C’est un paradoxe car c’est eux qui doivent payer », précise-t-il.

Cadres et infrastructures

Il ne s’agit plus de spéculer sur la question, mais d’agir au plus vite. Et sur ce point, les déclarations sont sans suites, les actions ne répondent pas aux attentes des cinéastes. Quelques initiatives louables en matière de salle de cinéma résultent de la volonté des étrangers, comme la salle de projection de l’Institut français du Congo ou celle dénommée Canal Olympia. Dans ces salles, ce n’est pas non plus la priorité faite aux films congolais. A cela, s’ajoute le manque d’écoles de formation et de spécialistes des métiers du cinéma.

Relancer le cinéma national par la promotion des films produits par les Congolais ; reconquérir le public qui aujourd'hui s'est détourné des productions audiovisuelles locales au profit des productions étrangères telles Novelas, Nollywood, Bollywood, Hollywood ; recréer la dynamique et ressusciter l'espoir ainsi que l'envie de croire au cinéma congolais sont entre autres défis à relever. Les cadres structurels, organisationnels, institutionnels, financiers, opérationnels et promotionnels bien adaptés à ce secteur sont conviés à se mobiliser et agir. Cela d’autant plus que l’industrie est pourvoyeuse d’emploi et qu’elle contribue au développement économique et touristique.

« Effectivement, croire au cinéma congolais ne suffit pas pour le voir rayonner. Si dans 60 ans nous ne changeons pas les choses, le cinéma congolais s’éteindra totalement. Mais, si nous apprenons des erreurs du passé, le 7e art congolais brillera de mille feux, à l’exemple du cinéma nigérian », estime Joy Christ Mac, jeune réalisateur et technicien congolais.

Ainsi, nous devons tous caresser le doux rêve que ce vœu puisse en drainer d’autres et susciter dans la foulée l’éclosion d’un cinéma congolais bon, attrayant et éducatif. Afin que les cinéphiles se sentent fiers d’évoquer les derniers potins de l’actualité cinématographique nationale et aussi réaliser combien le grand écran dans les salles peut consolider des liens de confrérie.

Merveille Atipo

Légendes et crédits photo : 

Le réalisateur congolais, Michael Gandoh, lors du tournage du film "Alicia"/DR

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