Opinion

  • Tribune libre

Le Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1944 : une mémoire en partage entre la France et le Congo?

Mercredi 28 Octobre 2020 - 17:10

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Du 27 au 28 octobre 2020, Brazzaville a célébré le 80e anniversaire du Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940, publié par le général Charles de Gaulle sur les antennes de Radio-Congo dans le cadre de la mobilisation des forces de la libération de la France contre l’occupation allemande de 1940 à 1945.  Il s’agit de la formation d’un Conseil de Défense de l’Empire, chargé d’organiser dans la liberté et la solidarité la résistance extérieure de la France qui refuse la capitulation de l’armée française devant l’ennemi. Le 26 octobre, ce général proclamait déjà Brazzaville « Capitale de la France Libre ». Cette ville était la capitale de l’Afrique Équatoriale Française (AEF) depuis le 15 janvier 1910. Elle abritera la Conférence de Brazzaville, tenue du 30 janvier au 8 février 1944 par le Comité français de la libération nationale (CFLN) dirigé par le général de Gaulle.

 

C’est cet ensemble d’événements que la France libre et ses anciennes colonies d’Afrique ont en partage. Il a reconfiguré les structures coloniales de la France, compte tenu de l’effort de guerre des colonies, caractérisé essentiellement par l’engagement de plus de 150 000 tirailleurs sénégalais dans l’armée française entre 1940 et 1945 dont plus de 29% de soldats africains sont tombés au front.

 

En effet, après la Deuxième Guerre mondiale, la France chercha des nouvelles bases de sa politique de « mise en valeur des colonies » plus opportunes qui responsabilisent sans émanciper les élites africaines. C’est dans ce cadre que la Conférence de Brazzaville se prononça pour une politique d'assimilation en faveur des colonies, mais rejeta l’idée du self government pour conserver le lien de dépendance « définitif » entre la France et ses colonies, qui structure la France-Afrique et la Francophonie en un pacte souverain de coopération.

 

Brazzaville perdra son leadership en Afrique centrale à partir du référendum de la communauté française du 28 novembre 1958 qui mit fin à l’AEF. La capitale du Congo n’hébergera plus que le siège de la Banque des États de l’Afrique centrale (BDEAC) au sein de la CEMAC, fondée le 16 mars 1994. Le cumul des engagements faiblement tenus et des relations tumultueuses des différents régimes du Congo avec l’ancienne métropole depuis 1960 écorchera sans cesse le leadership de la Capitale de la France Libre.

 

Ainsi, le Manifeste de Brazzaville a favorisé une large décentralisation administrative et la participation des indigènes à la gestion de leurs propres affaires, par la présence d'élus africains dans les assemblées parlementaires de la métropole, et l’émergence d'une élite politique locale apte à diriger les futurs États indépendants. Mais, ces élites sont devenues au fil du temps les défenseurs d’une coopération asymétrique qui ruine les potentialités de développement des nouveaux États francophones d’Afrique après leur accession à la souveraineté internationale. Un nouveau pacte qui redéfinit un cadre institutionnel de la coopération responsable de ces États avec la France est plus que nécessaire. Brazzaville y retrouvera, sans doute, son leadership pour continuer à partager dignement son destin commun avec celui de son ancienne métropole et de ses villes sœurs d’Afrique centrale dans le concert des nations.

 

 

 

 

 

Emmanuel Okamba Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Tribune libre : les derniers articles