Tensions post-électorales : la Guinée et la Côte d’Ivoire victimes d’antagonismes communautaires

Mardi 17 Novembre 2020 - 10:30

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Peu avant l’élection présidentielle dans chacun des deux pays secoués par les rivalités nées du scrutin, puis après, pouvoir et opposition ont toujours du mal à apaiser les tensions malgré de multiples démarches entreprises pour ramener la concorde. Et si leur classe politique ne se montre vigilante et responsable, de nouveaux ravages qui auront assurément des conséquences néfastes sur la vie politique, économique et sociale pourraient être enregistrés.

Le Guinéen Alpha Condé et l'Ivoirien Alassane Ouattara ont été tous élus pour un troisième mandat, mais ils ont devant eux des mouvements de contestation qui sont loin d’être terminés. Des manifestations violentes organisées en Guinée après la présidentielle du 18 octobre ont fait au moins 30 morts et plusieurs blessés. En Côte d’Ivoire, des dizaines de morts ont également été signalés.

La situation s’aggrave du jour au jour par des clashs communautaires parce que la politique guinéenne ou ivoirienne est majoritairement dictée par les enjeux de cette nature. En témoigne le fait que l’actuel président guinéen s’est récemment attiré les critiques de ses opposants pour avoir attisé les tensions dans le pays.

En effet, dans un discours prononcé en septembre en langue malinké, il a dit aux électeurs que soutenir un candidat d’opposition issu de la communauté Peul reviendrait à voter pour son opposant principal, Cellou Dalein Diallo.

Le chef de l’Etat guinéen et son parti sont soutenus par la communauté malinké ; le chef de file de l’opposition est largement encouragé dans son combat politique par la population de son terroir qui déplore le fait qu’elle soit victime de la discrimination. Pourtant les deux hommes politiques affirment être pluralistes.

En Côte d’Ivoire, les jeunes Agnis de la zone sud du pays ne veulent toujours pas voir les Dioulas de la partie nord après le scrutin présidentiel du 31 octobre. Armés parfois de machettes et gourdins, ils les menacent dans certaines localités comme Daoukro, Divo, Dabou ou Bongouanou.

Les Ivoiriens redoutent de nouvelles violences

« On ne veut pas du troisième mandat d’Alassane Ouattara. La Côte d’Ivoire n’a pas été faite pour les Dioulas qui sont au pouvoir », avance un habitant sous-couvert d’anonymat. « C’est nous qui avons développé la ville. Avant ici c’était un village. Ils peuvent partir ; on est derrière Ouattara (…), jusqu’à la mort ! », réplique un des patrons de la jeunesse dioula de Bongouanou, à 100 km au nord d’Abidjan.

Depuis l’indépendance, la Côte d’Ivoire était gouvernée par des gens du sud, ceux du nord étant souvent oubliés dans les investissements et les nominations aux postes publics. Aujourd’hui, l’on n’est pas surpris d’entendre certaines personnes dénoncer une « revanche du nord », accusant Alassane Ouattara, originaire du nord, de favoritisme.

Pour Rinaldo Depagne, de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group, les réactions affichées par la population ivoirienne prouvent qu’elle vit dans un pays divisé. « Il y a un passage très rapide de la violence politique à la violence communautaire », estime-t-il.

De son côté, l’ex-ministre Marcel Amon Tanoh, passé dans l’opposition et dont la candidature a été invalidée, redoute le pire du fait de la persistance des tensions intercommunautaires. « Je crains que les vieux démons ressurgissent », prévient-il, soulignant que dans son pays « comme souvent ailleurs en Afrique », les partis politiques ont une base ethnique et que même si ceux-ci élargissent leur assise, cette dominante demeure.

Tout compte fait, ce qui se passe en Côte d’Ivoire alors que plus de 8000 personnes ont déjà fui vers les Etats voisins, fait déjà craindre que ce pays plonge à nouveau dans les violences, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011, née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle face à Alassane Ouattara. Survenant après une décennie de tensions qui avaient coupé le pays en deux, sur une ligne identitaire entre le nord et le sud, cette crise avait fait 3 000 morts. Aujourd’hui, les Ivoiriens ne croient pas à ce qui a été conclu entre Alassane Ouattara et le chef de la coalition de l’opposition, Henri Konan Bédié, lors de leur récente rencontre qui visait à « rétablir la confiance ».

Nestor N'Gampoula

Légendes et crédits photo : 

1- Le président guinéen Alpha Condé 2- Le président ivoirien Alassane Ouattara

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