La phratrie des Moutouari (suite et fin)

Vendredi 27 Novembre 2020 - 13:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Côme ‘’ Kosmos’’, Pierre, Michel et Mickaëlle sont tous issus d’une même famille : les Moutouari. Les trois premiers sont des frères. Mickaëlle est la fille de Pierre. Tous sont des musiciens. On évoquera les Moutouari en s’émerveillant des prodiges de la mère- nature. Comment, en effet, ne pas rendre grâce au Merveilleux quand des membres d’une famille s’illustrent dans une même activité ?

Le village Kivimba Ngori dans les parages de Kinkala ouvrit le 3 avril 1950 une nouvelle page du livre de ses habitants en l’honneur de la naissance d’un petit garçon prénommé Pierre. Il était, à l’instar de Côme, inscrit dans le même livre six ans plutôt, issu de la famille des Moutouari.

C’est dans l’ombre de ce frère aîné qui grandit toute oreille à l’écoute des rossignols des deux rives du Congo que Pierre déterminera sa vie professionnelle. En 1965, quand son frère Kosmos caracole à la tête des hits parades musicaux avec son « Ebandeli ya mossala », le jeune Pierre se frotte les mains : les choses ne pouvaient pas mieux commencer ! Car, la carrière musicale que vient d’embrasser son frère sera aussi la sienne. Il n’est encore qu’un jeune adolescent fraîchement sorti du lycée quand il se signale dans un concours de chant où il rafle un prix. Cette prestation plus qu’honorable lui attire les faveurs de Gabriel Diazolo patron de l’orchestre Sinza Kotoko. En 1968, à peine âgé de 18 ans, Pierre Moutouari se retrouve dans une formation musicale qui écume les estrades brazzavillois, kinois et pontenegrins. Ce n’est pas pour faire de la figuration qu’il s’y trouve. Le proverbe est connu depuis Corneille : aux âmes bien nés, la valeur n’attend pas le nombre d’année. De cette période, on retiendra ses succès tels que « Vévé », « Ma Loukoula », « Mahoungou ». Sinza Kotoko engrange des succès, voyage, épanouit ses musiciens. En 1973, à Tunis, le groupe est présent au Festival panafricain de la jeunesse et, divine surprise, s’octroie la médaille d’or en plantant l’Afrisa international conduit par le seigneur Tabou Ley lui-même !

L’année 1975 signe la fin de l’idylle entre Pierre Moutouari et l’orchestre Sinza Kotoko. Si Gabriel Diazolo son mentor l’accompagne à la quête d’une nouvelle expérience musicale dans les Sossas, son nouveau groupe, l’artiste sera, toutefois, confronté à une grande période d’instabilité. C’est dans ce nouveau groupe, les Sossas, qu’entrera en scène un autre membre de la phratrie des Moutouari. Le benjamin Michel qui suit les pas de ses deux frères Côme ‘’Kosmos’’ et Pierre est guitariste. Les Sossas ne font pas long feu, le groupe disparaît en 1979. Pierre accompagné du benjamin Michel tente de rejoindre le groupe « le Peuple » où l’aîné Kosmos est esseulé après le retour dans les Bantous de la capitale de Pamelo Moun’ka. Les choses se passent plutôt mal. Il tente une carrière solo puis se résout à lancer un nouveau groupe « Le Saccadé Music » soutenu par Safari Ambiance une maison de production installée à Paris. Ses chansons « Gina BB » et « Gégé Motema » figurent dans le premier album de sa collaboration avec Safari Ambiance. Les vedettes Sammy Massamba et Tanawa installées à Paris lui seront d’un utile renfort pour réaliser le second album sans le Saccadé Music.

C’est à Paris où il évolue désormais en solo comme poulain de la maison Eddi’Son que Pierre Moutouari signera successivement « Missengué » et « Saïlé », les deux plus grands succès de son répertoire musical, entre 1981 et 1982. Le tube « Missengué » à la tête des charts ouest-africains connut un succès planétaire parmi les mélomanes branchés sur la chanson africaine. Naturellement, cette foudroyante percée fut couronnée sur le plan commercial par deux disques d’or.

En 1984, le populaire chanteur de Missengué ébranle une nouvelle fois la jeunesse brazzavilloise. Cette fois-ci le chanteur met en scène sa propre fille Mickaëlle, pubère dont l’âge varie entre 14 et 15 ans. Aussitôt, tout Brazzaville s’agite, des cohortes de fans de Mickaëlle se forment, la chanson qui met le père et la fille en duo est sur toutes les lèvres. Pourtant, en dépit du succès annoncé de celle qui succédant à Kosmos, Pierre et Michel, devait porter haut l’étendard familial des Moutouari comme nouvelle égérie de la musique congolaise deviendra subitement aphone et pour toujours. Que s’est-il passé ? Où est passé le petit ange ? Pourquoi Pierre Moutouari préféra-t-il voir Mickaëlle assise, femme au foyer dans un immeuble parisien que diva musicale sur les planches africaines et mondiales ? Le mystère demeure.

La chronique des frères Kosmos et Pierre Moutouari ne peut s’écrire sans rappeler les inoubliables frères Soki Vangu et Soki Dianzenza de Kinshasa, figures de proue de l’orchestre Bella-Bella et leaders musicaux disparus précocement.

Aujourd’hui septuagénaire, Pierre Moutouari, le chanteur inspiré qui a fait rêver l’Afrique s’est installé à Pointe-Noire sur la côte atlantique. Parfois, il apparait dans les murs de la préfecture de cette ville et chuchote aux oreilles de son hôte, le préfet, des mots sibyllins où se conjuguent jeunesse, culture et avenir.

 

 

Ikkia Ondaï Akiera

Notification: 

Non