Lire ou relire : « Le messianisme congolais et ses incidences politiques » de Martial Sinda

Vendredi 4 Décembre 2020 - 12:43

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Ce livre vestige mérite d’être réédité et mis à la portée d’un large public dans les deux Congo. Il relate l’histoire de la genèse et du déploiement des grands mouvements religieux traditionnels ou locaux qui ont influencé la société congolaise depuis 1632 jusqu’aux années 60.

Avec une bibliographie assez riche, cet ouvrage est l’œuvre d’un agrégé d’histoire, natif du Congo et bien inséré dans le milieu où se sont déroulés les événements qu’il décrit. C’est donc empreint d’une démarche scientifique et d’un grand souci de transmettre une version moins passionnée et édulcorée de choses que ce pan sociohistorique du Congo est rendu sous ce format livresque à la postérité.

Martial Sinda remonte le temps en partant de l’arrivée des premiers navigateurs portugais et hollandais dans le royaume Congo (pour être fidèle à l’écriture de l’auteur). Un royaume intéressant une bonne partie du Congo français et belge et de l’Angola. Un des plus organisés d’Afrique avant l’implantation coloniale.

L’historien congolais essaie avec les outils et vestiges à sa disposition de montrer les causes des mouvements messianistes congolais et les facteurs qui ont facilité leur expansion, leur radicalisation et leur pérennisation jusqu’à nos jours. Les pionniers ici sont Francisco Kassolo et Dona Béatrice (encore appelée Kimpa Mvita). Après ces deux précurseurs, l’auteur aborde l’itinéraire de Simon Kimbangu et la création du Kimbaguisme jusqu’à sa forme actuelle, avec des dates à l’appui.

Dans ce périple, il décrit aussi la genèse du Ngounziste et ses diverses manifestations, surtout sur la rive droite du Congo-Brazzaville. Notamment le Matsouanisme qui naît sous le prétexte des idéaux prônés par André Grenard Matsoua, dont le martyre a engendré un pseudo-messianisme devenu jusqu’à nos jours sujet d’un culte populaire mystico-magique, drainant de plus en plus d’adeptes, même des intellectuels aguerris. Alors que toute sa vie, Matsoua fut plutôt une figure politique panafricaniste, qui n’a jamais mené une lutte spirituelle au sens religieux du terme.

Martial Sinda dévoile avec maestria et objectivité les supercheries politiques des meneurs du mouvement religieux matsouaniste qui, n’ayant pas pu continuer la lutte intellectuelle anticolonialiste et antiraciste de leur leader (Matsoua), ont joué sur la naïveté d’une population ancrée dans un imaginaire marqué de religiosité, pour accoucher d’un mouvement prophétique et messianique sur fond d’un grand mensonge.

Rappelons que ce livre n’est pas un écrit apologétique défendant une religion quelconque, mais plutôt un livre d’histoire des mouvements majeurs qui ont marqué la vie sociopolitique des deux Congo voisins. A côté du matsouanisme, Martial Sinda a étendu ses investigations aussi sur les figures de Lassy, fondateur du lassysme, et de Croix-Koma, tout en consacrant un chapitre (pages 348-369) au mouvement religieux traditionnel dit « Moukoungouna », une autre forme du Ngounzisme.  

Ce livre publié en 1972 aux éditions Payot à Paris, dans la collection « Bibliothèque historique », est un véritable vade-mecum ou une véritable mine d’informations sur l’histoire congolaise, voire africaine. La lecture de tels ouvrages est presque indispensable pour mieux comprendre certains phénomènes sociologiques actuels, afin d’envisager l’avenir avec plus de lucidité et sans chauvinisme. A propos de l’auteur, Martial Sinda est natif du Congo-Brazzaville en 1935. Il est poète, essayiste et historien.

Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Couverture du livre

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