Diplomatie : sauver l’Afrique d’une paralysie économique

Mercredi 19 Mai 2021 - 16:45

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Une trentaine de dirigeants africains et européens étaient réunis le 18 mai à Paris, avec les grandes organisations économiques internationales, à l’initiative de leur homologue français, Emmanuel Macron, pour tenter de sauver l’Afrique de la paralysie financière qui la menace après la Covid-19.

L’idée du sommet est née des prévisions du Fonds monétaire international (FMI), selon lesquelles l’Afrique risquait de se heurter à un déficit de financement de 290 milliards de dollars d’ici 2023. La  rencontre de Paris, sous la houlette du président de la République française, a rassemblé une trentaine de dirigeants africains et européens et des institutions financières internationales, avec deux sujets pivots : Le financement et le traitement de la dette publique et le secteur privé africain. Face à une situation préoccupante, dès cette année, 39 millions d’Africains pourraient tomber dans l’extrême pauvreté. Pour la Banque africaine de développement, il y a urgence à agir et à mettre en place une stratégie économique. Si l’Afrique fait figure de continent relativement épargné sur le plan sanitaire pendant la Covid-19 ( seulement 130 000 morts), sur un total mondial de près de 3,4 millions décès, le continent est dans une situation financière extrêmement préoccupante. La croissance  économique du continent a connu sa première récession en un demi-siècle en 2020 à cause de la pandémie. Elle devrait rebondir de 3,4 % en 2021 et de 4 % en 2022. Le moratoire mis en place en avril 2020 a permis de donner un peu d’air aux pays africains les plus endettés. Mais cela ne suffira pas.

Sur le plan économique, le continent subit de plein fouet le ralentissement commercial et financier mondial. D’autant plus qu’à la différence de l’Europe ou des Etats-Unis, l’Afrique n’a pas bénéficié de plans de relance chiffrés. « Le choc économique y est plus fort qu’ailleurs, parce que l’économie africaine est très dépendante des échanges extérieurs et le choc de la pandémie la frappe encore plus que d’autres. Les besoins de financement de l’Afrique sont estimés à 400 milliards de dollars, selon le FMI, ce qui est très important », selon l’Elysée. Le président Macron défend la mise en œuvre d’un « New deal » comme en son temps en Europe pour contrer les effets de crise de 1929. Ce qui s’était traduit notamment par l’injection de crédits supplémentaires et d’un moratoire sur les dettes.

De leur côté, les pays africains  réclament un moratoire immédiat sur le service de toutes les dettes extérieures,  jusqu’à la fin de la pandémie et une sanctuarisation de l’aide au développement. Ils exhortent le FMI à attribuer des Droits de tirage spéciaux (DTS) aux pays africains pour leur fournir les liquidités indispensables à l’achat de produits de base et de matériel médical essentiel. Des « DTS » convertibles en devises par les pays qui en ont besoin sans créer de dette supplémentaire. Le principe d’une émission globale de DTS de 650 milliards de dollars semble acquis après le quitus des Etats-Unis. De ce montant, seulement 34 milliards de dollars seront alloués aux pays africains. Dans une tribune collective publiée sur le site de Franceinfo, sept chefs d’État africains (Angola, Burkina Faso, Ghana, Niger, Nigeria, République du Congo et Soudan)  ont proposé que 25 % des Droits de tirage spéciaux (DTS) y soient réaffectés, soit 162 milliards de dollars. « Nous devons aussi mettre en place au niveau régional des filets de sécurité pour faire face aux crises comme celle de la Covid-19. « Nous ne sommes pas préparés comme en Europe », a rappelé Félix Tshisekedi.

Renforcer les investissements privés

Paris entend mobiliser l’investissement privé pour financer les besoins de développement d’un continent qui aspire à sortir de la logique de l’assistance. Pour l’Afrique, il faut résoudre l’équation du coût du financement pour les entreprises africaines, notamment leurs taux d’intérêt parfois exorbitants, ce qui freine le développement du secteur privé et exclut du crédit des millions de PME. Ces discussions devraient se poursuivre avec une série de rencontres internationales dans les prochains mois et notamment lors du G20 en octobre. L’accent devait donc être mis sur le financement du secteur privé. Les PME et très petites entreprises africaines, étant le moteur de la croissance en Afrique.

Sur le volet financement, les États oocidentaux ont promis de soutenir une « reconstitution ambitieuse » de l’enveloppe de l’AID, l’institution de la Banque mondiale dédiée aux pays les plus pauvres de la planète. La France vise 90 milliards de dollars, mais il n’y a pas encore d’accord politique. Le président de la Banque mondiale, David Malpass, compte mobiliser 150 milliards de dollars en plus, d’ici cinq ans. Une large proportion sera octroyée via des subventions et des prêts de long terme, à taux zéro. Pour doper le secteur privé, l’objectif retenu serait de « développer une Alliance pour l’entrepreneuriat », en mobilisant tous les partenaires privé et public, en particulier les banques de développement, en s’appuyant sur des instruments innovants, a-t-il souligné.

À l’issue du sommet, le président Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse conjointe avec ses homologues de la République démocratique du Congo et président de l’Union africaine, Félix Tshisekedi Tshilombo, du Sénégal, Macky Sall, et la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva.

Il a plaidé pour que l’Afrique puisse disposer au final de l’équivalent de 100 milliards de dollars, lors de la prochaine allocation de DTS du FMI. Ce qui impliquerait un transfert de 65 milliards de dollars de la part des pays occidentaux sur leur propre allocation, via divers fonds du FMI. Or les besoins de financement de la seule Afrique de l’ouest, sont estimés autour de 200 milliards de dollars sur cinq ans.

Noël Ndong

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