Banque centrale du Congo : objectif « dédollarisation »

Mardi 20 Juillet 2021 - 19:33

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La gouverneure de la BCC, Malangu Kabedi Mbuyi, est décidée à s’attaquer à l’une des tares du système économique et financier de la République démocratique du Congo. Si certains analystes ne lui donnent aucune chance d’y parvenir, d’autres souhaitent plutôt la voir à l’épreuve.

Pour la nouvelle patronne de la Banque centrale du Congo (BCC), la « dédollarisation » vise à assurer une meilleure croissance de l’économie RD-congolaise. En effet, dès sa prise de fonction officielle le lundi dernier, elle en a fait l’un des grands défis de son mandat. Bien entendu, les propos de Malangu Kabedi ont réveillé un vieux débat. A une époque, une frange d’experts parmi les plus critiques ont demandé carrément au gouvernement de retirer la circulation parallèle des autres monnaies étrangères pour permettre au franc congolais de retrouver ses fonctions essentielles.

« Dollarisation » est en fait un néologisme qui décrit tout simplement le choix d’abandonner sa monnaie pour adopter une monnaie étrangère, en l’occurrence la devise américaine. Le franc congolais s’est affaibli et est devenu inconvertible hors du territoire national. Les conséquences sont réelles sur l’économie RD-congolaise car l’État a perdu progressivement toute sa capacité à ajuster les fluctuations de l’économie par la politique monétaire et le taux de change. Présenté comme un phénomène irréversible, les effets ne sont pas qu’économiques et monétaires mais aussi politiques. La plupart des marchés publics impliquant de gros montants sont sous l’influence du dollar américain.  

Aujourd’hui, l’on s’interroge sur les chances de réussite de Malangu Kabedi qui hérite d’une institution « en perpétuelle transformation en vue d’assurer sa solidité et son autonomie financière », a tenu à faire remarquer le gouverneur sortant, Déogratias Mutombo. En tout cas, à en croire le Pr Mabi Mulumba, la situation de la monnaie nationale ne serait pas aussi déplorable qu’on ne le pense. « Il ne faut pas perdre de vue que depuis 1997, le régime de Félix Tshisekedi est à ce jour celui qui a enregistré un faible taux de dépréciation », disait-il le 27 juillet 2020. A l’avènement du franc congolais, en 1998, la parité de la nouvelle monnaie par rapport au dollar était de 1,30 FC. En 2001, lors de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, il y a eu une dépréciation de 311 %. Au terme de 18 ans de pouvoir, le président Joseph Kabila a laissé derrière lui un franc congolais qui a connu une dépréciation de 425 %. Pour l’heure, la dépréciation sous Félix Tshisekedi est d’un peu plus de 19 %. Les paramètres macro-économiques ont évolué essentiellement à cause des effets pervers du coronavirus sur les économies.

Bien entendu, le débat actuel est loin des meilleurs scores d’inflation sous les régimes successifs, même si les chiffres enregistrés permettent effectivement de mieux appréhender le contexte économique et financier général dans lequel Malangu Kabedi veut opérer son miracle. Beaucoup d’experts estiment que la désinflation n’entraîne pas forcément la « dédollarisation ». Il faudrait, selon eux, agir dans d’autres domaines, notamment la dette publique en devises étrangères ou les dépôts en devises de la masse monétaire. Toutefois le seul danger est la tentation d’opérer un forcing, c’est-à-dire une « dédollarisation » forcée aux conséquences multiples pour notre économie. Le franc congolais, explique un expert, doit revenir progressivement comme la monnaie de référence dans les transactions de l’État, la passation des marchés publics, le paiement des impôts et taxes, etc.

En définitive, l’on attend plus de la gouverneure Kabedi la définition claire des lignes directrices de ce processus de dédollarisation. En son temps, le gouverneur sortant, Déogratias Mutombo, proposait de lutter contre la dollarisation par le développement du marché intérieur de valeur du Trésor en vue de la tonification des canaux de transmission des impulsions de la politique monétaire et du rétablissement de la monnaie nationale dans sa triple fonction d’unité de compte, de moyen de paiement et de réserve de valeur. Un débat à suivre.  

Laurent Essolomwa

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