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Echec et mat !

Samedi 7 Août 2021 - 17:28

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Personne ne peut dire aujourd’hui ce qui sortira réellement de la victoire des Talibans dans leur reconquête de l’Afghanistan et de la défaite subie par les Américains au terme des vingt années qui ont suivi leur engagement sur le terrain en représailles des attentats perpétrés par al-Qaïda le 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center à New York (2.753 morts, 6.291 blessés ! ). Mais, vue du côté des milices islamistes que dirigeait à l’époque le leader djihadiste saoudien Oussama Ben Laden tué lui-même au Pakistan dix ans plus tard par les forces spéciales américaines, cette victoire clôt une partie d’échecs qui aura duré deux décennies et dont l’Oncle Sam sort humilié sur un « échec et mat » particulièrement douloureux.

 

Que le président démocrate Joe Biden, récemment porté à la tête des Etats-Unis par le peuple américain, ait eu raison de décréter le retrait des troupes qui s’enlisaient sur le terrain exactement comme l’avaient fait les troupes de l’URSS en 1989 au terme de dix années de guerre contre les « Moudjahidines » – autrement dit les « guerriers saints » – ne fait aucun doute même si ce retrait coûte cher à son pays en termes humains, politiques, diplomatiques, financiers. Mais cette décision rebat totalement les cartes sur la table du jeu de cette partie du monde où s’affrontent, de façon indirecte mais bien réelle, les grandes puissances du globe telles que la Chine, l’Inde et la Russie dont les intérêts et les ambitions sont plus réels que jamais.

 

Pour dire les choses de façon encore plus brutale les Talibans, qui n’ont rien changé dans leur vision totalement décalée du monde que caractérise la forme d’extrémisme dont les femmes afghanes sont les premières victimes, sortent finalement vainqueurs de la très longue et très cruelle guerre civile qui prend fin sous nos yeux. Une victoire qui ne peut qu’aggraver les tensions internes existantes dans tous les pays qui entourent l’Afghanistan, c’est-à-dire le Pakistan et les anciennes Républiques de l’URSS en Asie centrale à savoir le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan. Et donc une victoire dont les conséquences stratégiques s’annoncent importantes pour l’ensemble de cette immense et très riche zone géographique située à la jonction de l’Europe, du Proche et du Moyen-Orient, de l’Asie.

Il suffit de considérer l’attention que porte dès à présent sur l’Afghanistan le président chinois Xi Jinping, qui vient d’affirmer vouloir en faire l’une des nouvelles « routes de la soie », pour mesurer les atouts que les Talibans ont désormais entre leurs mains. Et, par conséquent, l’ampleur des menaces encore virtuelles mais déja bien réelles que porte en lui le retrait pour le moins brutal des troupes américaines stationnées dans cette zone. Une équation que le président russe, Vladimir Poutine, prend très au sérieux comme le prouvent ses récentes prises de position sur le sujet. En conclusion de ce qui précède nous assistons aujourd’hui, bien au-delà de la victoire des Talibans, à la mise en place d’une nouvelle équation géopolitique dont personne effectivement ne peut dire ce qui sortira. Mieux vaut en avoir conscience dans le moment présent où les puissants de ce monde s’engagent dans des mouvements pour le moins complexes qu’en réalité leurs dirigeants actuels et futurs s’avèreront incapables de gérer contrairement à ce qu’ils croient et affirment. Dans le moment aussi où la crise larvée qui oppose Israël et l’Iran à propos de l’arme nucléaire prend une tournure plus qu’inquiétante qui peut, à tout instant, déboucher sur une guerre ouverte qui fermerait le détroit d’Ormuz et paralyserait le golfe Persique.

Jean-Paul Pigasse

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