Fin de l’opération Barkhane au Mali : la France accusée d' « abandon en plein vol »

Lundi 27 Septembre 2021 - 15:04

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A la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, le Premier ministre malien a accusé la France d’un « abandon en plein vol » après la décision de cette dernière de retirer ses soldats de la force Barkhane. Devant ses homologues du G5 Sahel, le président français avait donné le chronogramme du retrait des forces militaires françaises en juillet dernier, alors que l’arrivée éventuelle de la SMP russe Wagner au Mali n’est pas très appréciée par le Niger.

Le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, a fustigé la décision de Paris de retirer ses soldats du Mali, déplorant une annonce « unilatérale » sans coordination avec l'ONU et le gouvernement malien.  « La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli (...), nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d'autres partenaires », a-t-il déploré, conscient de la difficulté à  « combler le vide » créé par la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le nord du pays. Et d’ajouter : « L'opération française Barkhane annonce subitement son retrait en vue, dit-on, d'une transformation en coalition internationale dont tous les contours ne sont pas encore connus. En tout cas, pas de mon pays, pas de notre peuple. Le Mali regrette que le principe de consultation et de concertation, qui doit être la règle entre partenaires privilégiés, n'ait pas été observé en amont de la décision ». Pour déplorer le « vide » que risque de créer le retrait des soldats français, Choguel Kokalla Maïga a plaidé pour une posture plus offensive sur le terrain, de la part de la Minusma, dans un contexte de menace djihadise et assurant qu'il n'y avait « pas de sentiment anti-Minusma au Mali, pas plus qu'un sentiment anti-français ».

Fermeture des bases entre fin 2021 et début 2022

En juillet, le président français, Emmanuel Macron, avait confirmé, lors d’une conférence de presse à l’Elysée, à l’issue des discussions avec les dirigeants du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie Niger, Tchad), la fermeture des bases militaires françaises au Nord du Mali-Kidal et Tombouctou- et leur reconfiguration, et qu’un soldat sur deux allait quitter le Sahel - passant de 5100 soldats aujourd’hui, à 2500 à 3000 soldats au Sahel. Emmanuel Macron a respecté ses engagements. « Ces fermetures s’étaleront sur le second semestre de l’année 2021 et seront achevées d’ici au début de l’année 2022 », avait-il souligné. Conjointement, le commandement opérationnel des forces françaises sera progressivement transféré du QG malien de la force Barkhane à Gao, à Niamey au Niger, chargé de coordonner  l’action de la Task force européenne Takuba « dans un périmètre élargi ». «La France maintiendra au sein de Takuba une contribution significative », avait ajouté le président français. Désormais, la présence militaire française au Sahel s’articulera autour de « deux missions ». A savoir « la neutralisation et la désorganisation du haut commandement des deux organisations ennemies », Al-Qaïda et le groupe État islamique (EI), et « l’appui à la montée en puissance des armées de la région ». Dans ce cadre, Niamey sera « musclée », avait-il souligné.

La France lève toute ambiguïté sur son départ

Au sortir du sommet de Pau, qui avait réuni le président français et ses homologues du G5 Sahel, certains s’étaient félicités de la poursuite de l’engagement français au Sahel, et d’autres étaient entrés dans un climat de défiance vis-à-vis des forces françaises. Le Groupe des patriotes du Mali avait considéré la démarche « comme une mise sous tutelle », accentuant des manifestations réclamant le départ des forces étrangères. Certains Maliens avaient déploré que la solution préconisée restait « trop militaire », ne prenant pas suffisamment en compte la complexité de la situation, l’ennemi étant pluriel, et d’autres avaient dénoncé « le paternalisme et le chantage » de la France. Paris lève l’ambiguïté dont elle était accusée au Sahel - à tort ou à raison. Elle a respecté sa parole : « Partir du Mali ».  Il revient au Mali de trouver un/ d'autres autre partenaires.

L’arrivée de Wagner au Mali complexifie les relations avec le Niger

L’intention du Mali de sceller un deal avec la société militaire privée (SMP) russe Wagner ne passe pas. Ni au Niger ni en France. Wagner serait chargée de former  les Forces armées malienne (FAMa) contre 9,15 millions d’euros par mois et un accès à des ressources minières. Pour le chef de la diplomatie du Niger, Hassoumi Massaoudou, « il n’est pas acceptable que les militaires maliens nous amènent un autre élément hétérogène constitué de mercenaires étrangers dans notre zone. La CEédéao tient à ce que des mercenaires russes ne soient pas dans notre région pour dégrader davantage la situation sécuritaire », craignant que cela  remette «  aussi en cause l’existence de la Force conjointe du G5 Sahel ». Le ministère malien des Affaires  étrangères a répliqué en ces termes :« Dans la mesure où le Niger n’assume pas la présidence en exercice de la Cédéao», il s’interroge à quel titre son ministre s’érige en porte-parole de l’organisation, s’interrogeant sur les « motivations réelles » de ses déclarations, et dénonçant ses « propos inacceptables, inamicaux et condescendants».

Concernant des informations sur la SMP Wagner, la diplomatie malienne dit « s’étonner [et] s’interroger [sur des] allégations basées uniquement sur des rumeurs et des articles de presse commandités s’inscrivant dans le cadre d’une campagne de dénigrement [du Mali] et de diabolisation de [ses] dirigeants […] ». Le Mali a démenti tout projet d’accord avec SMP Wagner.

Noël Ndong

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