Mali : l’éventuel accord avec Wagner va placer les Européens dans une position inadmissible

Mardi 28 Septembre 2021 - 18:15

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Engagés militairement dans le pays, les Etats intervenant dans le cadre de la force européenne Takuba dont la France, l’Allemagne et l’Estonie, ainsi que l’Union européenne, avertissent les nouvelles autorités maliennes qu’une coopération avec le sulfureux groupe privé russe, envisagée par Bamako, conduirait au retrait de leurs troupes participant à la lutte antidjihadiste sur place. Les dirigeants occidentaux se sont même inquiétés à l’assemblée générale de l’ONU, à New York, de cette orientation de la junte au pouvoir au cours d’échanges avec une délégation russe.

Un recours au groupe Wagner pour former les forces armées maliennes et assurer la protection des dirigeants remettrait en cause l’engagement militaire des pays européens, estiment leurs dirigeants qui continuent de faire pression sur les autorités maliennes pour qu’elles renoncent à conclure un accord avec la société. De son côté, Josep Borrel, le chef de la diplomatie européenne, prévient que l’arrivée du groupe paramilitaire russe au Mali affecterait « sérieusement » les relations entre l’Union européenne et Bamako. « Menacer de partir est la seule position diplomatique tenable dans un pays tenu par des putschistes qui comptent être épaulés par des mercenaires russes », commente un haut gradé français.

Outre les pays européens, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao, quinze pays) fait également pression sur les autorités de transition au Mali et leur président, le colonel Assimi Goïta, pour organiser des élections en février et renoncer à une éventuelle coopération avec le groupe de sécurité privée russe. Une société accusée de mercenariat et avec laquelle Moscou dément tout lien, alors qu’elle fournit des services de maintenance d’équipements militaires et de formation au Mali. En Centrafrique, ses hommes y sont régulièrement accusés d’exactions.

Malgré le fait qu’il soit soumis à des pressions de la communauté internationale, le président malien de transition appelle les partenaires internationaux à « une meilleure lecture de la situation », alors que des milliers de Maliens ont manifesté récemment à Bamako en soutien à la junte et pour rejeter « l’ingérence extérieure ».

La France pourrait se retrouver dos au mur

De son côté, le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, dénonce la décision de retrait de la force française Barkhane, et justifie la nécessité pour son pays de « chercher d’autres partenaires » pour le sécuriser. « La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires », a-t-il dit à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies. Il s’agit de « combler le vide que ne manquera pas de créer la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le nord du Mali », a précisé le chef du gouvernement malien, qui a déploré un « manque de concertation » et une annonce « unilatérale » sans coordination tripartite avec l’ONU et le gouvernement malien.

Au regard de la position affichée par les autorités maliennes et si la défiance de la junte devait perdurer, la France se retrouverait dos au mur, après huit années de lutte antidjihadiste ininterrompue au Mali. Et cela, au prix de la mort de cinquante-deux militaires, dont le tout dernier, le caporal-chef Maxime Blasco, 34 ans, est tombé au front le 24 septembre dernier.

Il convient de rappeler que sur décision de l’actuel président, Emmanuel Macron, la France a entrepris de réorganiser son dispositif militaire au Sahel, en quittant les bases les plus au nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Tessalit) et en réduisant le nombre de troupes dans la région d’ici 2023 à deux mille cinq cents - trois mille hommes contre plus de cinq mille aujourd’hui. Un défi logistique qui exige une coordination étroite avec Bamako.

Dans la même optique, l’exécutif français a engagé un important crédit politique pour convaincre plusieurs pays européens de s’engager au Mali au côté de la France. Un départ précipité des forces internationales rappellerait inévitablement le chaotique retrait américain d’Afghanistan et sonnerait comme un aveu d’échec, au moment où la France se prépare à voter l’an prochain pour choisir son futur président. 

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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